La Prophétie des papes
qui le peut ? Nous savons tous quâil y a de grandes chances que le prochain pape soit assis à cette table. Et à mon avis, je suis trop vieux ! Et pas assez italien ! »
Aspromonte et Giaccone gardaient les yeux rivés sur leur assiette.
« Quelquâun devait le dire, insista Diaz.
â Certains disent quâil est temps que ce soit un Africain ou un Sud-Américain, dit Giaccone. Il y a des hommes bons qui méritent considération. »
Aspromonte haussa les épaules.
« Il paraît quâil y a une excellente glace à la pêche pour le dessert. »
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Le pape était seul dans sa chapelle privée. Le père Diep lâavait amené sur son fauteuil roulant et placé devant la chaise incrustée de bronze où il avait coutume de méditer. Le plafond était fait de panneaux composés de vitraux éclairés, de style contemporain, où dominaient les couleurs primaires. Le sol était en marbre italien blanc veiné de noir, aux dessins dâinspiration moderne, mais adouci par un joli tapis ancien marron au centre. Lâautel était simple et élégant : sur une table couverte de dentelle blanche étaient posées des bougies et une bible. Derrière la table, un Christ crucifié doré flottait dans une niche de marbre rouge qui sâélevait du sol au plafond.
La hanche du pontife se mit à lui faire mal et la douleur sâintensifia. Il avait commencé à prier et il ne voulait pas retourner dans son lit immédiatement. Sa pompe à morphine était attachée à une perche fixée au fauteuil, mais il refusait de sâadministrer une drogue en présence de cette magnifique représentation du Christ en souffrance.
Il lutta contre la douleur et continua à balbutier des prières silencieuses que seul Dieu pouvait entendre.
Soudain, une douleur différente.
Elle le saisit à la gorge et dans le haut de la poitrine.
Le pape baissa les yeux, pensant de manière tout à fait irrationnelle que quelquâun sâétait approché à pas de loup et lui écrasait violemment la poitrine.
La pression lui déforma le visage et il fut contraint de fermer les yeux.
Mais il voulait les garder ouverts et il lutta pour y parvenir.
Câétait comme si une flèche enflammée sâétait plantée dans sa poitrine. La brûlure transperçait sa chair.
Il ne pouvait pas appeler à lâaide, ni prendre une bonne inspiration.
Il lutta pour que son regard reste fermement fixé sur le visage du Christ en or.
Dieu bien-aimé, jâimplore votre secours.
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Monseigneur Albano entra dans la salle à manger du cardinal Aspromonte sans frapper.
Devant son visage décomposé, Aspromonte comprit que quelque chose de grave venait de se produire.
« Le pape ! Il a eu une attaque dans sa chapelle ! »
Les trois cardinaux se précipitèrent à lâétage supérieur et traversèrent en courant les salles de réception avant dâentrer dans la chapelle. Les pères Diep et Bustamante avaient dégagé le corps inerte du pape du fauteuil roulant pour lâallonger sur le tapis et Zarilli était accroupi auprès de son seul et unique patient.
« Câest son cÅur, marmonna Zarilli. Il nây a pas de pouls. Je crains queâ¦Â »
Le cardinal Diaz lâempêcha de poursuivre.
« Non. Il nâest pas mort ! Nous avons le temps de lui administrer lâextrême-onction ! »
Zarilli commença à protester, mais Giaccone lâinterrompit et distribua des ordres stricts aux pères Bustamante et Diep, qui quittèrent la chapelle dâun pas pressé.
« Vu les circonstances, chuchota Aspromonte à lâintention de Diaz, vous pouvez vous dispenser des prières, même le Misereatur , et passer directement à la communion.
â Oui, dit Diaz. Oui, oui. »
Giaccone et Aspromonte aidèrent le cardinal Diaz à sâaccroupir à côté du corps du pape. Il sâagenouilla et fit une prière silencieuse.
Les secrétaires du pape revinrent en courant avec un plateau dâhosties de communion et un sac en cuir rouge. Diaz prit une hostie et énonça dâune voix claire :
« Voici lâagneau de Dieu qui enlève les péchés du monde. Bienheureux ceux qui sont conviés à Sa
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