La Prophétie des papes

public.
    âˆ’ Dois-je apporter une réponse écrite au préfet Sabinus ? demanda le commandant des prétoriens.
    âˆ’ Tigellinus peut rédiger quelque chose s’il le souhaite, dit Néron. Au fait, l’Esquilin est-il en danger ? »
    Le soldat répondit qu’il ne pensait pas et Néron renvoya la cohorte d’un mouvement impérial de la main, puis il demanda qu’on lui apporte du vin coupé d’eau.
    Â«Â On dirait que tu as fait du bon travail, Tigellinus.
    âˆ’ Il aura fallu plus d’un jour pour bâtir Rome, mais peu suffiront à la détruire, dit Tigellinus avec un sourire.
    âˆ’ Rappelle-toi, dit Néron avec irritation, je suis aussi intéressé par la destruction que toi, mais je viens juste de terminer la Domus Transitoria et j’aimerais y vivre jusqu’à ce que la Domus Aurea soit bâtie sur les terres défrichées. »
    La Domus Transitoria était un palais à colonnades, tout en longueur, qui partait du Palatin et allait jusqu’aux jardins de Mécène, occupant une grande partie de l’Esquilin à Regio III. Mais la construction de la Domus Aurea était son but ultime, un palais si grandiose et audacieux qu’il éclipserait toutes les autres constructions de Rome. Il avait personnellement approuvé les plans et les dessins. Elle se situerait sur une parcelle d’une centaine d’hectares de terres brûlées au pied du Palatin. Le hall serait assez haut pour qu’on puisse y placer une statue de quarante mètres le représentant, en véritable colosse de Rome. Ce vestibule de trois étages de haut, que Néron avait surnommé le Millaria, ferait une longueur de deux kilomètres le long du Forum, sur les terres des quartiers de Carina et Subura. On y trouverait une immense piscine, véritable mer au milieu de Rome, qu’il utiliserait pour d’extravagants spectacles historiques.
    Â«Â Je suis presque certain que la terre dont vous avez besoin pour la Domus Aurea est déjà brûlée, dit Tigellinus. Si les vents sont favorables, la Domus Transitoria sera un lieu sûr. Je me fais également du souci pour mes boutiques à la basilique Aemilia. »
    Néron n’était pas trop d’humeur à se montrer compatissant. Il avait fait de Tigellinus le second homme le plus puissant de Rome et lui avait permis de devenir extrêmement riche.
    Â«Â Si tu perds ta précieuse basilique, tu en reconstruiras une plus grande avec de plus petites boutiques dont les loyers seront plus élevés. Tu sais comment ça marche. Nous utiliserons les carrières de marbre, le ciment et le bois des lémures pour nos nouvelles constructions. Nous donnerons la primauté à nos alliés. Nous prélèverons nos taxes personnelles sur la moindre transaction. Nous ferons fortune sur le dos de toute cette souffrance et de tous ces morts. N’est-ce pas merveilleux ? Au fait, faisons-nous bien courir le bruit que ce sont les chrétiens qui sont derrière tout cela ?
    âˆ’ C’est bien la rumeur que nous diffusons. »
    Néron se leva et s’étira.
    Â«Â C’est une belle journée, Tigellinus. Laisse-moi, maintenant. Je vais reposer ma gorge pour le concours de ce soir. »
    Â 
    L’incendie poursuivit son avancée. Les flammes montèrent sur le Palatin, le Cælius et l’Aventin et des vents violents le poussèrent vers le nord, en direction de l’Esquilin et du cœur de Rome.
    Plus tard dans la journée, un messager prétorien arriva avec des nouvelles qui attirèrent grandement l’attention de l’empereur. La Domus Transitoria était menacée. Néron donna des ordres selon lesquels tout devait être fait pour protéger ses propriétés et décida de son départ par mer vers Rome le lendemain matin.
    Néron arriva à bord d’un petit navire d’une flottille qui remonta le Tibre sous un ciel d’un brun sale. Tandis que son embarcation approchait de la ville, il s’extasia devant les grands nuages de fumée et les immenses flammes qui montaient majestueusement à l’assaut du ciel. Les docks de Regio XIII avaient été détruits et la flottille dut trouver un point d’amarrage plus bas, à côté du Champ de Mars.
    Accompagné de Tigellinus, Néron fut emmené en litière à la rencontre