La Prophétie des papes
gronda Balbilus.
â Le vent tourne, vers le sud, dit Vibius.
â Je peux prédire les mouvements célestes, mais pas ceux des vents, dit lâastrologue basané. Je préférerais ne pas perdre ma maison.
â Je crois que la mienne est déjà partie, dit Vibius sans la moindre trace dâémotion.
â Ta famille peut venir ici. Toutes les familles lémures qui sont en danger peuvent se réfugier ici. Fais passer le message. »
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Un contingent de la cavalerie prétorienne arriva à Antium au moment où le soleil se couchait. La ville avait un nouveau port que Néron avait fait construire, mais les prétoriens se fiaient plus à leurs chevaux quâaux bateaux. Néron avait transformé Antium en une enclave protégée habitée par des vétérans de la garde et des centurions à la retraite. Il avait rebâti le palais côtier dâAuguste à sa manière et y avait ajouté un complexe à colonnades surélevé qui sâétendait sur deux mille mètres le long de la mer. Pour son plaisir, il avait également construit dâinnombrables jardins, temples, bassins et, surtout, un théâtre dans lequel il pouvait sâadonner à son art.
Lorsque la cavalerie arriva pour lâinformer du feu qui ravageait Rome, Tigellinus resta impassible, mais refusa au messager, qui portait une communication personnelle de la part du préfet de Rome, lâaccès à lâempereur. Néron était dans les coulisses, en train de se préparer pour un concours qui avait lieu le soir même. Vêtu dâune tunique de style grec, sans ceinture, il se trouvait au milieu de ses concurrents, tous des gens du coin qui savaient avec certitude que Néron serait le favori des juges. Lorsquâarriva son tour, il entra sur la scène du théâtre semi-circulaire et lança un regard au public composé de lèche-bottes â des soldats à la retraite, des sénateurs de sa cour, des magistrats dâAntium et une cohorte de ses troupes spéciales, les gardes germains. Même si Antium se trouvait à bonne distance de Rome, une vague odeur de cendre planait dans lâair et les nouvelles de lâincendie commençaient à se répandre. Le public chuchotait et sâagitait, et sâil nây avait pas eu la représentation royale, ils auraient interrogé les messagers pour en savoir plus.
Néron brandit sa lyre et se mit à chanter une chanson douce, Le Pillage dâIlion , racontant la destruction de Troie par les Grecs pendant la guerre du même nom. Il remporterait la compétition, bien entendu, mais personne ne paraissait heureux dâentendre parler dâune grande ville rasée par un incendieâ¦
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Dans les bas-fonds de lâEsquilin, des braises se posaient sur les toits et les balcons ; des citoyens et des esclaves vigilants les éteignaient en les piétinant avant que le feu ne prenne. Pierre se trouvait là , lors dâune de ses missions pastorales en tant quâévêque de Rome. Câétait un voyageur las mais tenace. Il supportait des voyages en caravane muletière qui duraient des mois et le menaient à Jérusalem et à Rome, depuis chez lui, à Antioche, en Grèce, où il était également évêque. Sa mission à Rome avait été difficile. Ses disciples convertissaient autant dâesclaves et dâaffranchis que possible, mais les citoyens étaient hostiles au culte chrétien, comme ils lâappelaient. Cependant, Pierre avait ses ouailles, qui, tel un petit troupeau dâagneaux, avaient besoin de temps en temps des conseils dâune équipe de bergersâ¦
Cornelius le tanneur était devenu prêtre de la nouvelle église et sa maison était un de leurs lieux de réunion et de prière. Pierre se trouvait près dâune fenêtre dans une pièce où les fidèles étaient rassemblés. Une braise rougeoyante passa lentement et Pierre la regarda un instant avant de revenir au papyrus quâil tenait dans sa main. Il avait récemment écrit une épître à ses fidèles adeptes et il voulait quâils lâentendent énoncée par sa propre bouche :
« Câest pourquoi, frères, appliquez-vous dâautant plus à affermir votre vocation et votre élection ; car, en faisant cela, vous ne faillirez jamais.
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