La Prophétie des papes
rue et contemplons ensemble le ciel nocturne. »
Restés dans le bureau, les trois hommes continuèrent à boire.
« Je crois que le docteur Dee lâaime bien, dit Cecil.
â Il est assez facile de lâaimer, dit Walsingham. Je ne comprends pas son goût forcené pour le théâtre, mais ses talents particuliers sont certainement utiles.
â Néron aussi avait une passion pour le spectacle », fit remarquer Cecil.
Cela fit ricaner Walsingham.
« Il nâa rien dâun Néron ! Poley, que pensez-vous de tout ceci ? Vous avez été, toute la soirée, muet comme une carpe. »
Poley se détourna du feu.
« Ce soir, jâétais au Théâtre.
â Pourquoi, dites-moi ? Ãtes-vous devenu un passionné ?
â Pas vraiment. Cela fait un moment que jâai des soupçons sur Marlowe. Je lâobserve de temps en temps.
â Et quâavez-vous observé ? demanda Walsingham.
â Jâai surpris Marlowe et Thomas Kyd amoureusement enlacés. Kyd avait la main sur le postérieur de Marlowe.
â Mais Kyd nâest pas un des nôtres ! dit Walsingham durement.
â Effectivement », confirma Cecil.
Walsingham serra les accoudoirs de son fauteuil, en proie à la colère.
« Marlowe est brillant, mais il est intempérant et il ne partage pas nos manières prudentes. Accompagnez-le à Rome. Assurez-vous quâil accomplisse bien la tâche qui lui est assignée. Lorsquâil reviendra, nous le laisserons écrire ses pièces et continuer ses missions. Mais, Poley, je veux que vous gardiez un Åil sur lui, un Åil très attentif et, comme toujours, informez-moi de tous les détails. »
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24
L e père dâElisabetta demanda à Zazo et à sa fille de débarrasser la table pour quâils puissent examiner ensemble le Faust .
« Regardez ! dit Carlo. Il y a une différence entre ton exemplaire et celui sur lequel je travaillais jusquâà présent. »
Elisabetta jeta un coup dâÅil à son livre.
« Ce sont tous les deux des versions B. Quelle est la différence ?
â Le tien est numéroté. Tu vois les chiffres dans la marge de droite ? Toutes les cinq lignes. Au début de chaque acte, on reprend à un. Câest un système dâannotation courant dans les pièces. Il permet aux acteurs de retrouver leur texte facilement et aux enseignants de renvoyer facilement leurs étudiants à un passage donné. Seul mon exemplaire nâa pas de numéros. »
Elisabetta sentit lâexcitation la gagner.
« Oui ! Je vois.
â Je ne suis arrivé à rien en regardant ça comme une progression numérique ou un code de substitution. Et câest là que ça mâest venu : et si ces tatouages renvoyaient à des numéros de lignes ? Des lignes qui diffèrent entre la version A et la version B. âLa clef se trouve en Bâ, disait la lettre.
â Mais il y a tellement de différences entre les deux versions, fit remarquer Elisabetta. Par où commencer ?
â Exactement. Je me suis rendu compte que cela pourrait être une tâche très difficile si lâon procédait par tâtonnements et quâelle conviendrait beaucoup mieux à un ordinateur. Je me suis mis alors à réfléchir à la manière dâécrire un programme adéquat. Câest là que je me suis rappelé quelque chose quâa dit ton professeur Harris. Tu te souviens ? Les plus grandes différences se trouvent dans lâacte III qui est beaucoup plus long dans le texte B et qui est devenu une diatribe antiÂcatholique. Sur une intuition â et ne lève pas les yeux au ciel, Zazo, les mathématiciens ont parfois des intuitions, tout comme les policiers â, je suis allé directement à lâacte III et jâai commencé à jouer avec les numéros de ligne. Si chacun des vingt-quatre nombres du tatouage correspond à un numéro de ligne, alors nous aurons peut-être la seule solution qui ne nécessiterait pas la contribution dâun ordinateur.
â OK, fit Elisabetta. Quel était le premier nombre ? »
Carlo enfila ses lunettes de lecture, puis les enleva.
« 63. »
Elisabetta trouva le vers.
« Me conter les secrets des rois de tous
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