La Prophétie des papes
violence contre ces immigrants et leurs incessantes pratiques abominables. La missive évoquait des passages du Juif de Malte et du Massacre de Paris de Marlowe et était signée « Tamerlan », une sorte de provocation.
Marlowe nâavait pas écrit la lettre, mais lâhypothèse généralement répandue à la cour était quâil en était lâauteur.
à la grande horreur de Marlowe, Thomas Kyd fut arrêté par les commissaires royaux sur lâordre de Cecil et, soumis à dâaffreuses tortures à Bridewell Prison, il jura quâil avait vu Marlowe écrire la lettre.
La reine en fut informée et son Conseil privé, en présence de Burghley et Cecil, émit un mandat dâarrêt à lâadresse de Marlowe.
Il fut emmené à Bridewell, mais il fut traité correctement avec à peine un interrogatoire. Deux jours plus tard, Poley arriva pour le faire sortir.
« Y a-t-il une raison à tout cela, Poley ? demanda Marlowe, en colère, une fois quâils furent dans la rue. Cecil et vous savez que je ne suis en rien responsable de cette lettre contre les Hollandais.
â Quelquâun vous fait du tort, dit Poley en secouant la tête. Trouvons une taverne.
â Au diable les tavernes ! Quâest-il arrivé à Kyd ?
â Il est détenu. Vous deviez être proche de lui, ces derniers jours. Il a avoué que vous étiez coupable.
â Sous la torture ?
â Jâimagine, dit Poley. Au moins, ils ne vous ont pas inquiété. Cecil sâen est assuré.
â Pour me protéger ou protéger lâexistence de mes parties intimes ? chuchota Marlowe.
â Les deux, jâen suis certain. »
Marlowe sâarrêta brusquement.
« Je sais qui a fait ça, Poley ! Par les étoiles, je sais ! »
Poley fit un petit pas en arrière, comme sâil recevait un coup.
« Je suis certain que câétait William Shakespeare, ce vermisseau jaloux, ce pauvre hère qui se prend pour un dramaturge. »
Poley sourit. Il avait écrit la lettre lui-même et il était plutôt fier de son Åuvre.
« Je suis certain que vous avez raison sur ce point. Avant que vous ne partiez pour les Flandres, vous devriez tuer ce misérable. »
Â
La veuve Bull avait servi un délicieux repas dans une des pièces à lâétage : un festin composé de langue de bÅuf, dâagneau, de chapon et de cerf.
Marlowe, contrairement à son habitude, manquait dâappétit. Il en était ainsi depuis quâavait commencé cette histoire de lettre hollandaise et, de plus, il souffrait de devoir rendre compte de tous ses faits et gestes au Conseil privé de la reine tant quâil nâavait pas terminé son enquête.
Poley mangea de bon cÅur, comme les autres convives présents, Nicholas Skeres et Ingram Frizer, deux truands et escrocs lémures que Marlowe connaissait bien. Mais ce nâétait pas parce quâils étaient de sa race quâil devait les aimer. Il nâavait pas de problème avec les tueurs, mais peu de temps à consacrer aux incultes.
Marlowe chipota dans son assiette et but son vin.
« Quelles nouvelles des Flandres ? » demanda-t-il.
Poley lui répondit, la bouche pleine de viande :
« Le roi Philippe dâEspagne prépare une force dâinvasion.
â Il a déjà perdu une armada contre Ãlisabeth, fit remarquer Marlowe. Et il est à nouveau impatient de se confronter à elle ?
â Apparemment, dit Poley.
â Eh bien, je suis prêt à y aller, dit Marlowe. Est-ce que vous pouvez obtenir de Cecil quâil signe lâordre et me fasse quitter ces côtes détestables ?
â Il prépare le terrain, dit Poley.
â Et vous deux ? demanda Marlowe en pointant son couteau en direction de Skeres et Frizer. Ãtes-vous aussi de la partie ? »
Les hommes regardèrent Poley, qui leur adressa un hochement de tête.
Frizer se leva.
« Ãtes-vous en train de pointer un couteau vers moi ? » demanda-t-il dâune voix rauque.
Marlowe leva les yeux au ciel.
« Et alors ?
â Personne ne pointe de couteau vers moi.
â Apparemment, vous faites erreur, dit Marlowe sur un ton sarcastique. Je viens juste de le faire. Peut-être vous ai-je pris,
Weitere Kostenlose Bücher