La Prophétie des papes

rituel était imposée par la sécurité.
    Le cardinal Diaz et le cardinal Aspromonte montèrent dans le premier bus et s’installèrent sur des sièges voisins.
    Â«Â As-tu entendu, pour Giaccone ? demanda Diaz.
    âˆ’ Non, de quoi s’agit-il ?
    âˆ’ Il est toujours dans sa chambre. Il ne peut pas venir.
    âˆ’ Que s’est-il passé ?
    âˆ’ Il a appelé le docteur. Apparemment, il a la courante. Il a trop mangé, j’imagine.
    âˆ’ Est-ce qu’il nous rejoindra plus tard ?
    âˆ’ Les règles lui permettent de le faire, mais il peut aussi voter depuis Sainte-Marthe. J’ai assigné un monseigneur pour qu’on lui porte un bulletin de vote, si nécessaire.
    âˆ’ C’est un désastre, chuchota Aspromonte. Il aurait pu être le choix du peuple. Mais qui sait à quel point il sera facile d’obtenir des votes in absentia . Les gens aiment voir le visage du nouvel homme.
    âˆ’ Eh bien, avec l’aide de Dieu, il guérira vite. »
    Sur l’écran de télévision apparut une vue plongeante des bus quittant la maison d’hôtes et leur bref trajet jusqu’à l’arrière de la basilique. Un par un les cardinaux sortirent des autocars et disparurent derrière une porte gardée par des gardes suisses en grande tenue traditionnelle.
    Â«Â C’est un spectacle pittoresque, dit Krek. Lourd de tradition. Ça, je le respecte. »
    Depuis leurs canapés, lui et Elisabetta pouvaient voir la télévision et, à chaque seconde, l’angoisse de la jeune femme augmentait d’un cran. Désespérée, incapable d’agir, elle décida de le faire parler.
    Â«Â Et y a-t-il quelque chose que vous ne respectiez pas chez nous ? » demanda-t-elle, la voix chevrotante.
    Il parut ravi de la voir manifester plus d’énergie.
    Â«Â Eh bien, la foi en Dieu, bien sûr, est une faiblesse fondamentale. Une béquille aussi ancienne que l’homme. Je crois que plus on s’appuie sur un dieu pour gouverner sa vie, moins on la gouverne soi-même. Mais, à côté de cela, l’Église catholique a toujours été la plus suffisante, la plus répugnante, la plus hypocrite de toutes les religions. Un milliard de personnes suivent aveuglément un vieil homme déguisé, portant une robe et un chapeau ! Nous combattons cela depuis l’origine.
    âˆ’ Vous dites que vous croyez que les hommes devraient s’appuyer sur eux-mêmes, pas sur Dieu. En quoi d’autre croyez-vous ? demanda Elisabetta.
    âˆ’ Moi ? Je crois beaucoup en moi. Je crois dans les cieux. À l’évidence, les étoiles et les planètes influencent les événements humains. C’est un fait, mais je confesse que je n’ai pas la moindre idée de la manière dont cela fonctionne. Là s’arrête ma rationalité en faveur de notre système de croyance.
    âˆ’ Vous croyez en l’astrologie, dit-elle, perplexe.
    âˆ’ Notre race respecte l’astrologie depuis de nombreux siècles, rétorqua Krek.
    âˆ’ J’ai trouvé des symboles astrologiques à Saint-Calixte.
    âˆ’ Oui, je sais. S’il y avait eu un moyen d’enlever le mur rapidement en le gardant intact, j’aurais été très heureux d’avoir cette fresque dans ma demeure. Mes hommes m’ont dit qu’ils ont essayé, mais il s’est effondré. Ils ne se préoccupent guère de l’environnement et ils avaient une tâche plus importante à accomplir.
    âˆ’ Les squelettes.
    âˆ’ Oui. À nouveau, un travail grossier, mais le temps était compté.
    âˆ’ Qu’allez-vous en faire ?
    âˆ’ J’ai l’intention de leur accorder le respect qu’ils méritent. Les ossements sont mélangés. J’ai besoin qu’ils soient correctement assemblés, les hommes, les femmes, les enfants. Quelque part dans cet amas de squelettes, se trouve notre plus grand astrologue, Balbilus, je voudrais que ses restes soient identifiés et qu’il reçoive une place de choix dans ma crypte familiale. C’était l’astrologue personnel de Néron. Néron était des nôtres, voyez-vous. La tradition nous apprend que la chambre funéraire appartenait à Balbilus et que lui et ses disciples périrent durant le grand incendie de Rome. C’est invérifiable, mais on dit que