La Prophétie des papes
lâépaule.
« Vas-y, va tâallonger. Nous avons le temps de nous reposer un peu avant dây aller.
â Je ne veux pas dormir, protesta Giaccone.
â Ne tâinquiète pas pour ça, dit Aspromonte. On ne te laissera pas dormir pendant le conclave ! »
Â
29
L e grand salon du château des Krek donnait lâimpression à Elisabetta quâelle était un grain de poussière. Dans lââtre immense brûlait un grand feu, les meubles étaient gigantesques, la galerie et le plafond garnis de poutres en bois étaient terriblement hauts.
Krek la fit asseoir sur un canapé. Il y avait des portes sur trois côtés de la pièce. Toutes étaient fermées. Aucun signe de la présence de lâhomme immense. Ils étaient seuls.
Elisabetta lâobserva attentivement, tremblante et pétrifiée comme un lapin essayant de se cacher dâun loup à ses trousses.
Krek était tout à fait soigné. Ses cheveux poivre et sel étaient fraîchement coupés, il se tenait parfaitement droit. Il se servit du café et, après un instant de réflexion, il lui en offrit une tasse. Elle déclina dâun mouvement de la tête.
« Je nâavais jamais rencontré de nonne auparavant, dit-il soudain. Câest à peine croyable, nâest-ce pas ? En particulier vu lâintérêt que je porte à lâÃglise. Et vous nâêtes pas une nonne ordinaire. Une femme qui a une profession, une archéologue. Une experte des catacombes, qui mâont toujours fasciné. Je suis également fasciné par les choix que vous avez faits. Vous voyez, jâen apprends tous les jours. Vous, les nonnes, avez-vous la possibilité dâapprendre continuellement des choses nouvelles ? Ou étouffe-t-on cette possibilité lorsque vous entrez au couvent ? »
Elisabetta le regarda, sans parler, refusant de répondre.
Apparemment indifférent à sa rebuffade, Krek regarda sa montre et dit :
« Attention à lâheure ! »
Il prit une télécommande, alluma un immense téléviseur à écran plat qui était accroché au-dessus du buffet et mit une paire de lunettes cerclées de métal. La séquence sâouvrit avec une vue prise par hélicoptère au-dessus de la place Saint-Pierre où des dizaines de milliers de pèlerins étaient debout, si serrés quâils pouvaient à peine bouger.
Krek paraissait jubiler.
« Vous avez vu combien de personnes sont assemblées là  ? Ãa va être un grand jour pour eux. Certains vont raconter à leurs enfants et aux enfants de leurs enfants quâils étaient là , quâils étaient place Saint-Pierre ce jour-là . »
Elisabetta finit par dire :
« Je sais ce que vous êtes.
â Vous savez ce que je suis, cracha-t-il. Ce que je suis ?
â Un lémure.
â Je savais que vous étiez intelligente. Jâen ai la confirmation.
â Vous avez tué le professeur De Stefano. Vous avez tué le père Tremblay. Vous êtes un monstre.
â Des étiquettes. Toujours des étiquettes. Un monstre ! Trop facile, vous ne trouvez pas ? Je me définis comme un homme dâaffaires qui a réussi et qui se trouve être membre dâun club très ancien et très élitiste.
â Vous ne devez pas faire ça. »
Krek regarda Elisabetta par-dessus ses lunettes et sourit. Mais il nây avait pas la moindre trace dâhumour dans son expression. Câétait le sourire dâun prédateur qui se rapprochait de sa proie.
« Que pensez-vous que je vais faire ? »
Elle tremblait intérieurement, mais ne dit rien de plus, affrontant seulement son long regard perçant.
« Comprenez bien ceci : je ferai exactement ce que je veux. »
Â
Trois autocars luxueux, chacun dâune capacité de quarante-deux passagers, tournaient au ralenti devant la Maison Sainte-Marthe, attendant que les cardinaux électeurs et les conclavistes sortent et montent pour le trajet dâune minute qui les conduirait dans la cour derrière la basilique. En fait, tous les électeurs avaient moins de quatre-vingts ans, leurs aînés étaient dispensés de la tâche, et tous étaient suffisamment mobiles pour parcourir cette courte distance à pied. Mais cette partie du
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