La Prophétie des papes
réfectoire. Lecture et méditation. Prière de la nuit. Coucher. Tel était le rythme de vie dâElisabetta, la douce routine de ses jours de semaine.
Le samedi était consacré à la prière à la chapelle et en privé, aux courses, aux discussions avec les sÅurs et les novices, et se terminait parfois par un match de foot à la télévision ou un film.
Mais le dimanche était son jour préféré. Elle allait à la messe à la basilique Sainte-Marie-du-Trastevere. Câétait là quâelle avait reçu, enfant, sa première communion, là quâelle avait prié pour sa mère malade, là quâelle lui avait fait ses adieux lors dâune messe funéraire affreusement triste, là quâelle venait se confesser, quâelle trouvait du réconfort, de la joie.
Elisabetta songea que sa vie sâétait déroulée de manière curieuse. Quand elle était adolescente, elle ne pensait quâà lâaventure et au voyage, et lâarchéologie lui avait paru être le chemin vers lâexotisme. Mais lâattraction exercée par la très ancienne basilique Sainte-Marie sâétait révélée plus puissante que les temples de Louxor ou Teotihuacan. Son père, ce veuf si distrait, aurait besoin dâelle, ainsi en avait-elle décidé. Zazo et Micaela, tous deux charmants mais égocentriques, nâétaient visiblement pas capables de sâoccuper de lui comme il le fallait, en particulier quand il vieillirait. Alors, à lâuniversité, elle prit la décision de rester plus près de la maison et choisi lâarchéologie classique.
Ensuite, Zazo lui avait présenté son copain de lâécole de police, Marco. Le bon, le doux Marco, dont le rêve le plus cher était de devenir policier, épouser la femme de ses rêves et applaudir à tout rompre lâA.S. Roma. Il ne quitterait jamais Rome, câétait certain, alors Elisabetta avait encore réduit le champ de ses aspirations à lâarchéologie romaine et au début de lâère chrétienne lorsque les catacombes avaient commencé à former un dédale dans le tuf meuble volcanique de la ville. Elle resterait toute sa vie à Rome. Avec Marco, avec sa famille.
Et puis, il y avait eu cette terrible nuit où Marco lui avait été arraché. Cette nuit-là avait marqué le début dâune longue période de récupération physique et dâintense réflexion, à lâissue de laquelle elle avait déconstruit la personne quâelle était et reconstruit la personne quâelle voulait être.
Maintenant, tout lâunivers dâElisabetta se limitait à un seul kilomètre carré sur la rive ouest du Tibre. Son école se trouvait là , ainsi que son église et lâappartement de son père sur la via Luigi Masi. Câétait le même quartier que celui qui avait abrité son enfance. Cette insularité était réconfortante, comme le ventre dâune mère.
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La messe était terminée. Elisabetta avait reçu la communion du vieux père Santoro, le prêtre qui prenait aussi en charge les devoirs ecclésiastiques de son ordre, dont la voix marquée par lââge avait le timbre dâune cloche délicatement moulée. Elle sâattarda sous la voûte de lâabside après le départ de la plupart des paroissiens, pour sâimprégner du silence. Au-dessus de sa tête se trouvaient des scènes bibliques sur un fond de carreaux dorés. La coupole avait été décorée par Pietro Cavallini au XIII e siècle et les histoires quâil représentait sur ses mosaïques étaient si élaborées quâaprès toutes ces années elle découvrait encore des images quâelle nâavait jamais remarquées auparavant. Une fois quâelle repérait la mosaïque du gracieux oiseau moqueur, difficile à trouver, elle mettait un point dâhonneur à se dévisser le cou pour lui adresser un clin dâÅil en guise de salut.
Dans la clarté de ce matin de printemps, Elisabetta alla à pied dâun pas déterminé jusquâà lâappartement de son père. Les gens quâelle croisait pouvaient être répartis en deux groupes. Lâun, composé principalement de gens âgés qui cherchaient ostensiblement Ã
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