La Prophétie des papes
voulait sa journée et Arturo a accepté de le remplacer. Incroyable. Il est un peu fêlé. »
Elisabetta sourit. En gros, les seuls jurons quâelle entendait ces derniers temps sortaient de la bouche de sa sÅur.
« Peut-être quâil est seulement gentil.
â Je le déteste.
â Non, ce nâest pas vrai. »
Les deux sÅurs sâembrassèrent enfin.
« Jâaime bien tes cheveux », dit Elisabetta. Ils étaient plus ondulés que dâhabitude, ressemblant beaucoup à la coiffure quâElisabetta portait avant quâelle ne coupe ses cheveux très court.
« Merci. Il fait chaud, ici. Tu dois être en train de te déshydrater. »
Comparée à Elisabetta, toute vêtue de noir, Micaela paraissait presque nue dans son débardeur échancré.
« Ãa va. Viens mâaider. »
On pouvait sâasseoir à six autour de la table et, quand on était moins nombreux, la chaise de Flavia Celestino restait vide comme pour inviter son esprit à revenir parmi eux.
« Comment sâest passée ta semaine ? demanda Elisabetta à son frère en lui passant le plat.
â Tu peux imaginer, dit Zazo. On a des douzaines de cardinaux et leurs suites qui arrivent bientôt. Le chef de mon chef est agité, mon chef est agité et, pour faire bonne mesure devant mes hommes, je suis censé être agité.
â Et tu ne lâes pas ? demanda son père.
â Quand mâas-tu vu mâagiter pour la dernière fois ? »
Ils connaissaient tous la réponse, mais personne nâen dit mot. Câétait douze ans auparavant. Ils se rappelaient souvent lâétat de folie dans lequel il était lorsquâil arriva en trombe dans lâhôpital où Elisabetta était allongée, à moitié morte, dans une salle, tandis que le corps de Marco refroidissait dans une autre. Ils se souvenaient comment sa colère avait couvé par la suite, lorsquâau début on lui avait interdit de participer à lâenquête, puis quand on lui avait refusé lâaccès au dossier au moment où les investigations officielles avaient été abandonnées. Il était trop proche de lâaffaire, trop lié aux victimes, lui avait-on dit. Son manque dâimpartialité mettrait en danger lâaction en justice.
« Quelle action en justice ? avait-il demandé. Vous nâavez arrêté personne ! Vous nâavez pas la moindre piste ! Cette enquête est une plaisanterie. »
Après un an de frustration, Zazo et ses supérieurs avaient atteint le point dâébullition au même moment. Il voulait partir, ils voulaient quâil parte. Sa gaieté naturelle avait fait place aux sarcasmes et à des explosions hostiles envers les échelons supérieurs de sa hiérarchie, et il sâétait fait houspiller plusieurs fois pour sâêtre montré trop répressif lors dâarrestations. Ils lâavaient obligé à consulter un psychologue, qui avait conclu quâil était fondamentalement équilibré, mais quâil avait besoin dâêtre muté dans un endroit qui ne lui rappellerait pas quotidiennement les atrocités commises à lâencontre de sa sÅur et de son meilleur ami.
Le divisionnaire de Zazo avait suggéré la gendarmerie de lâÃtat du Vatican, la force de police civile qui patrouillait le Vatican, un emploi plus calme où les délinquants les plus remarquables auxquels il aurait à se confronter étaient des pickpockets et des conducteurs commettant de légères infractions au code de la route. On avait tiré les ficelles appropriées et il avait été muté. Il avait changé dâuniforme.
Zazo sâétait bien adapté au Vatican. Il retrouva son équanimité, gravit les échelons et devint chef de bataillon. Il parvint à avoir son propre appartement. Il avait une voiture et une moto. Il avait toujours une jolie fille à son bras. Il ne pouvait pas se plaindre, sa vie était agréable, à lâexception des moments où lâimage affreuse du cadavre saigné à blanc de Marco lui revenait à lâesprit.
Carlo déclara que la viande était tendre, puis grogna :
« Peut-être que, lorsquâil y aura un nouveau pape, tu pourras obtenir une promotion et
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