La Prophétie des papes
totalement oubliées jusquâau XVI e siècle, quand Antonio Bosio, le Christophe Colomb de la Rome souterraine, redécouvrit une catacombe, puis une seconde, puis une trentaine dâautres et commença à les étudier de manière systématique.
Cependant, les pilleurs de tombes firent leur apparition et, pendant les deux siècles suivants, la plupart des artefacts en marbre et autres matières précieuses disparurent, jusquâà ce quâen 1852 lâÃglise place toutes les catacombes chrétiennes sous la protection de la nouvelle Commission pontificale dâarchéologie sacrée.
Elisabetta avait toujours eu un sentiment de paix dans ces boyaux creusés à la hâte, aux tons aussi chauds quâun coucher de soleil. Comme les parois et les plafonds bas devaient sâanimer avec les ombres mouvantes des pèlerins qui passaient, serrant leur lampe à huile vacillante ! Quelle excitation ils avaient dû ressentir, en sâenfonçant dans les ténèbres, en jetant un coup dâÅil aux corps dans les loculi , aux inscriptions et peintures colorées dans les cubicula â les cellules réservées aux familles â jusquâà ce que leur impatience les conduise à destination, aux cryptes des papes et des grands martyrs comme Saint-Calixte !
Maintenant, les loculi étaient vides. Il nây restait plus dâossements, de lampes ou dâoffrandes, il nây avait que les cavités rectangulaires nues creusées dans la roche. Elisabetta effleura un fragment de plâtre dont elle se souvenait, sur une des parois. Il avait la forme fragile dâune colombe tenant une branche dâolivier dans son bec. Elle laissa échapper un soupir.
De Stefano marchait vite et dâun pas assuré, pour un homme de son âge. De temps en temps, il se retournait pour sâassurer quâElisabetta le suivait. Pendant les dix premières minutes de leur trajet, ils parcoururent les tunnels ouverts au public. Ils traversèrent la crypte de Sainte-Cécile et celles des papes, contournèrent les tombes de saint Caïus et saint Eusèbe, jusquâà ce quâils arrivent devant un portail au loquet défait, la clef dans la serrure. La région libérienne ne faisait pas partie du circuit touristique habituel. Fini au VI e siècle, ce réseau compliqué de passages sur trois niveaux avait été le dernier secteur à avoir été excavé.
Lâeffondrement se situait à la limite de la région libérienne. Lorsque De Stefano marqua une pause à une intersection peu éclairée entre deux galeries et parut momentanément perdu, Elisabetta lui conseilla gentiment de prendre à gauche.
« Votre mémoire est excellente », dit-il, admiratif.
Un bruit étouffé de métal contre des débris devint plus perceptible à mesure quâils approchaient de leur destination. Le mur de plâtre qui avait tant intéressé Elisabetta des années auparavant avait disparu, transformé en poussière par lâeffondrement. Maintenant, on voyait une ouverture béante, irrégulière comme lâentrée dâune grotte.
« Nous y voici, dit De Stefano. Le gros Åuvre est terminé. De solides étais sont en place. Si je ne pensais pas que câétait sûr, je ne vous aurais pas amenée.
â Dieu nous protégera », dit Elisabetta, plongeant du regard dans lâespace mal éclairé.
Dans la chambre funéraire se trouvaient trois hommes qui pelletaient un mélange de tuf, de terre et de brique. Une espèce de système dâélévation manuelle avait été mis en place pour monter les seaux pleins de gravats à la surface. Les hommes cessèrent de travailler et regardèrent fixement Elisabetta.
« Voici mes assistants les plus fidèles, dit De Stefano. Messieurs, je vous présente sÅur Elisabetta. » Les hommes étaient jeunes. Malgré la fraîcheur qui régnait dans les souterrains, ils étaient trempés de sueur. « Gian Paolo Trapani est directement responsable de toutes les catacombes de la via Antica et il joue le rôle de contremaître dans cette opération. »
Le charmant jeune homme qui sâavança avait des cheveux assez longs, rougis par la poussière de tuf. Il ne paraissait pas savoir sâil devait tendre une main
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