La Prophétie des papes
tâa appelé ?
â Tu ne tâen es pas douté en mâentendant parler ? »
Lâhomme assis tira sur sa cigarette si longuement que la fumée parcourut ses poumons jusquâaux cavités les plus profondes. Lorsquâil expira, il dit :
« Bon, ben⦠câest ce soir quâelle meurt. »
Â
Elisabetta Celestino fut surprise de constater quâelle pleurait. à quand remontaient ses dernières larmes ?
La réponse vint sous la forme dâune vague de douloureux souvenirs. La mort de sa mère. à lâhôpital, à la veillée, à lâenterrement et des jours et des jours durant, jusquâà ce quâelle prie que les larmes cessent. Et elles cessèrent. Alors même quâelle était une petite fille à lâépoque, elle détestait les yeux humides, les joues mouillées, les sanglots qui soulèvent la poitrine, lâimpossibilité de contrôler son propre corps, et elle se jura de bannir désormais ce genre de manifestation.
Mais, maintenant, Elisabetta sentait le picotement des larmes salées dans ses yeux. Elle était en colère contre elle-même. Il nây avait pas de commune mesure entre ces événements éloignés dans le temps â le décès de sa mère, et cet e-mail quâelle venait de recevoir du professeur De Stefano.
Malgré tout, elle était déterminée à lâaffronter, à lui faire changer dâavis, à retourner la situation. Dans le panthéon de lâUniversità degli studi di Roma, De Stefano était un dieu, et elle, une pauvre petite étudiante de troisième cycle, une suppliante. Mais, depuis lâenfance, elle faisait preuve dâune détermination farouche et elle parvenait souvent à vaincre son adversaire en lui administrant une pluie dâarguments avant de lâcher quelques missiles chargés dâintelligence pour emporter le morceau. Dans le passé, nombreux étaient ceux qui avaient succombé parmi ses amis, ses professeurs, même, une fois ou deux, son génie de père.
En attendant devant le bureau de De Stefano au département dâarchéologie et des antiquités, situé dans le bâtiment sans âme et de style fasciste des sciences humaines, Elisabetta retrouva son calme. Il faisait déjà nuit et froid pour la saison. Les chaudières ne produisaient pas une chaleur perceptible et elle garda son manteau sur ses genoux, pour réchauffer ses jambes nues. Dans le couloir désert, les murs étaient couverts de bibliothèques vitrées, où étaient enfermés, bien en sécurité, les volumes anciens. Les tubes fluorescents du plafond projetaient une bande blanche sur le sol carrelé de gris. Il nây avait quâune porte ouverte. Elle donnait sur le bureau encombré quâelle partageait avec trois autres étudiants, mais elle ne voulait pas attendre là -bas. Elle voulait que De Stefano la voie dès son arrivée au bout du couloir ; elle sâétait donc assise sur lâun des bancs peu accueillants où les étudiants attendaient leurs professeurs.
Elle dut patienter. Il nâétait presque jamais à lâheure. Elle ne savait pas si câétait sa manière de marquer lâimportance de sa position hiérarchique ou simplement sâil gérait mal son temps. Néanmoins, il se confondait toujours en excuses polies et lorsquâil arriva enfin, en courant, il débita une série de mea-culpa et ouvrit précipitamment la porte de son bureau.
« Asseyez-vous, asseyez-vous, dit-il. Jâai été retardé. Une réunion qui a traîné et la circulation était épouvantable.
â Je comprends, dit Elisabetta avec douceur. Câest gentil de revenir ce soir pour me recevoir.
â Oui, bien sûr, je sais que vous êtes contrariée. Câest difficile, mais je crois quâil y a dans cette affaire des enseignements à tirer qui ne manqueront pas de vous aider dans votre carrière. »
De Stefano accrocha son imperméable et sâenfonça dans son fauteuil de bureau.
Elle avait répété son discours dans sa tête et, maintenant, la scène lui appartenait.
« Professeur, voici ce qui me pose le plus gros problème : vous soutenez mon projet depuis le moment où je vous ai montré les premières photos de
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