La Prophétie des papes
califourchon sur son frère et lui plantait un poignard dans la poitrine. Un jet cramoisi jaillissait dâune grande entaille dans son cou. Le sang chaud inondait le visage de Quintus et coulait dans sa bouche.
« Quintus ! »
Il y avait assez de clair de lune pour voir la cape de lâassaillant et sa tunique, remontées jusquâà sa taille. Quelque chose sortait de son dos, quelque chose qui dansait et se tortillait dans lâair.
Un poids lourd lâécrasa et étouffa ses cris. Un homme lui enfonçait la poitrine. Un homme aux yeux morts. Lorsquâil vit le couteau descendre vers son cou, il ferma les yeux très fort, priant pour être encore endormi.
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Le démembrement et le carnage furent exécutés rapidement.
« Mettez leur tête sous la paille, mais ne les cachez pas trop, ordonna Vibius. Enveloppez tout le reste dans de la toile dâemballage. Faites huit paquets et assurez-vous que chacun contienne une main ou un pied. »
Les assassins descendirent une ruelle vers une des échoppes contiguës au marché aux bestiaux, portant lâaffreux produit de leur exécution. Ils sâarrêtèrent devant le rebord dâune fenêtre ouverte qui, pendant la journée, devenait un comptoir à hauteur de la taille. Câétait lâéchoppe dâun boucher, la seule dans la ruelle marquée dâune colombe chrétienne.
Vibius mit le pied sur les mains réunies en courte échelle dâun de ses comparses et fut propulsé par-dessus le comptoir. Il atterrit sans un bruit sur le plancher grossier et avança silencieusement vers lâarrière de la pièce. Il sâimmobilisa en entendant des râles retentissants et gutturaux.
Il progressa lentement jusquâà ce quâil puisse jeter un Åil derrière le rideau qui se trouvait au fond de la boutique. Le boucher ronflait bruyamment, une cruche de vin vide renversée à côté de son lit. Vibius lâcha la poignée de son épée.
Rassuré sur le fait que lâhomme imbibé de vin était profondément endormi, il retourna sur ses pas jusquâau comptoir.
Il défit le verrou du placard à viande encastré dans le mur de pierre sous le comptoir, fouilla à lâintérieur et se mit à passer des paquets emballés et froids à ses complices de lâautre côté du comptoir.
Il les remplaça par des paquets de viande fraîchement découpée et encore chaude. Lorsquâil eut terminé, il sauta par la fenêtre et se fondit dans les ténèbres.
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Lâaube pointait lorsque Balbilus termina sa fresque, mais sous terre, il ne sentait pas le soleil hivernal. Les vapeurs dâhuile émises par les lampes lui brûlaient les poumons. Il estimait toutefois que câétait un petit prix à payer pour la satisfaction de cette nuit de travail. Vibius était revenu en annonçant que beaucoup de sang avait été versé et de bonne manière. Les chrétiens seraient accusés du massacre de lâélite romaine, du meurtre de deux gardes prétoriens. Et ils sâattireraient des réactions de haine pour avoir tué des enfants romains et vendu leur chair. En plus de tout cela, la fresque lui plaisait.
Le jour qui se levait pouvait-il être plus propice ?
à nouveau, le bruit du fer contre la pierre.
En haut de lâescalier, Vibius ouvrit la trappe et chuchota quelque chose à son intention.
« Agrippine ? Ici ? demanda Balbilus, incrédule. Comment est-ce possible ? »
Vibius haussa les épaules.
« Elle est en litière. Elle veut être amenée dans la tombe.
â Câest incroyable ! Quelle femme ! Assurez-vous que sa litière ne puisse pas être vue de la route. »
Agrippine la Jeune. Lâarrière-petite-fille dâAuguste. La sÅur incestueuse de Caligula. Lâépouse de lâempereur Claude. La femme la plus puissante de Rome.
Et lâune des nôtres.
Agrippine était portée sur une litière par ses suivants. On la fit descendre avec précaution dans lâescalier et elle fut déposée doucement sur le sol. Balbilus connaissait ses gens. Ils étaient fiables.
Agrippine était emmitouflée dans des couvertures, la tête posée sur un oreiller en soie. Elle était pâle et défaite, le visage déformé par
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