La Prophétie des papes
ses fils pourraient être allongés â avec toute leur chair, tous leurs os â dans toute leur gloire.
Une silhouette solitaire lâattendait, le visage caché par une capuche. Lâhomme sâinclina légèrement devant Balbilus et dit :
« Les autres sont dehors. »
Balbilus, accompagné de son homme, Vibius, sortit par une porte arrière dans la froide nuit de décembre. Ils étaient dans un bosquet à quelques pas de la via Appia. Le mausolée était un édifice rectangulaire dont le toit avait une voûte en berceau faite à partir des briques les plus belles. La villa opulente de Balbilus se trouvait de lâautre côté du bosquet.
Le quart de lune, caché derrière un banc de nuages violets, réapparut. Cinq silhouettes enveloppées de capes sâécartèrent de lâombre des arbres fruitiers. Balbilus les aligna comme une unité de lâarmée devant le mur du mausolée.
« Jâai étudié les astres et les étoiles favorisent lâaction, dit Balbilus en sâadressant aux hommes. Ce soir, nous allumons un feu. Même sâil est petit pour commencer, il en engendrera un autre, puis un autre et encore un autre, jusquâà ce quâun jour il y ait une grande conflagration qui consumera la ville. Et lorsque cela arrivera, nous gagnerons la richesse et le pouvoir comme nous ne lâavons jamais imaginé. Câest ce que disent les astres et je sais que câest vrai. Ce soir, nous allons monter les Romains contre ce nouveau culte chrétien. Je vois dans les étoiles quâun jour ils deviendront puissants. Leur message est séduisant, comme du pain et des jeux pour lââme. Les masses, je le crains, vont lâadopter tel un troupeau de moutons. Si nous les laissons devenir trop puissants, ils seront des ennemis redoutables. Vibius a mes instructions. Ce soir, vous verserez le sang parce queâ¦Â » Il prit une inspiration pour marquer une pause rhétorique avant dâenchaîner : « ⦠telle est notre mission.»
Les hommes répondirent à lâunisson :
« Telle est notre nature. »
Balbilus les laissa et retourna sous terre retrouver ses pinceaux.
Les six hommes partirent sans faire le moindre bruit. Profitant des cachettes fournies par les tombes et les feuillages bordant la via Appia, ils avancèrent vers le nord, vers la ville.
Au bout dâun moment, ils parvinrent à un pâle rayon de lumière vacillante projeté par des torches de part et dâautre dâun large portail. Ils se glissèrent dâune zone dâombre à lâautre et se rapprochèrent.
Les deux prétoriens contemplaient dâun Åil morne une flaque de lumière blafarde et tapaient leurs pieds contre le sol pour se réchauffer.
Vibius avança le premier. Il fit quelques pas sur la route en titubant, prononçant dâune voix pâteuse les paroles dâune chanson à boire. Les sentinelles se mirent en alerte et regardèrent fixement la silhouette qui émergeait des ténèbres en vacillant légèrement. Il sâarrêta pour porter son outre à vin rebondie à ses lèvres et boire une lampée.
Reprenant sa marche dâun pas instable, il sâarrêta comme il put, tout juste hors de portée du plus costaud des deux soldats.
« Eh, les amis, laissez-moi passer, sâil vous plaît ? » éructa-t-il.
La sentinelle parut se détendre, mais il avait toujours la main sur le pommeau de sa dague.
« Câest le couvre-feu, espèce de poivrot, personne ne passe. »
Vibius fit quelques pas trébuchants, tendant son outre.
« Buvez, messeigneurs, autant que vous voulez. Je vous paierai mon passage. Tout ce que je veux, câest rentrer chez moi. »
De sa main gauche, il agitait le vin sous le nez du garde et, lorsque le soldat tendit le bras pour lâécarter, Vibius leva brusquement sa main droite, dans laquelle il serrait le long poignard quâil avait caché sous son habit. La lame sâenfonça sous le menton du soldat et, dans un craquement sinistre, ressortit au sommet de son crâne.
Le second garde nâeut pas le temps de dégainer son arme. Un autre homme vêtu dâune cape sâétait avancé dans la pénombre ; il passa un bras autour de la poitrine du soldat et saisit sa
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