La Prophétie des papes
Jâignore quelles méthodes ils ont utilisées, mais je dirais quâils ont sorti les squelettes un par un ou deux par deux, quâils les ont rangés dans des cageots ou des caisses quâils ont chargés sur un camion. Des traces fraîches de pneus traversent le champ. Et pour couronner le tout, ils ont détruit notre fresque. Câest affreux. »
De Stefano retrouva enfin sa voix.
« Câest plus quâaffreux. Câest un désastre dâune ampleur indescriptible.
â Qui a pu faire une chose pareille ? demanda Elisabetta.
â Câest ce que je veux vous demander, à vous  », dit De Stefano, en lui lançant un regard noir.
Elle nâétait pas certaine dâavoir bien entendu.
« Moi ? Que pourrais-je bien savoir de tout ceci ?
â Lorsque Gian Paolo mâa appelé tôt ce matin pour mâinformer de ce quâil avait découvert ici, jâai demandé à mon assistant de vérifier les relevés téléphoniques des quelques personnes de la Commission qui avaient connaissance du travail que nous faisions ici. Il y a deux jours, un appel a été passé de votre bureau. »
Elisabetta fouilla sa mémoire rapidement avant même quâil ait fini sa phrase. Avait-elle effectivement utilisé son téléphone pour passer un appel à lâextérieur ? Elle ne le pensait pas.
« Lâappel était destiné à La Repubblica . Pourquoi contactiez-vous un journal, Elisabetta ?
â Je nâai pas passé cet appel, professeur. Vous savez que je ne ferais pas une chose pareille.
â Un appel est passé à un journal et, deux jours plus tard, notre site est nettoyé. Voilà les faits !
â Si quelquâun a bien téléphoné, jâinsiste, au nom de Dieu, croyez-moi, ce nâest pas moi qui ai passé lâappel. »
De Stefano ignora sa prière.
« Je dois aller à une réunion dâurgence au Vatican. Elisabetta, je dois vous dire que je considère comme une erreur de vous avoir impliquée dans cette mission. Vous êtes renvoyée. Retournez à votre école et à votre couvent. Jâai parlé à lâarchevêque Luongo. Vous ne pouvez plus travailler pour moi. »
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12
E lisabetta eut lâimpression de se trouver sur un bateau qui avait perdu ses amarres et qui partait à la dérive, loin des eaux protégées du port, vers une vaste mer inconnue. On était au milieu de lâaprès-midi et bien quâelle fût physiquement dans un lieu quâelle connaissait bien, elle se trouvait dans un état mental et intellectuel totalement étrange.
La chambre nâavait pas du tout changé depuis le jour où Micaela était partie pour lâuniversité. Le lit dâElisabetta avait le même couvre-lit rose froissé et les mêmes taies dâoreiller en satin, passés par des années de soleil. Ses livres dâécole étaient toujours là , ainsi que des lectures précoces pour son âge : philosophes français, théologiens, romans sérieux. La bibliothèque de Micaela, à la différence de la sienne, était garnie de textes légers, romans à lâeau de rose, magazines people , conseils aux adolescents. Au-dessus du lit trônait un poster de Bon Jovi. Au-dessus de celui dâElisabetta se trouvait une affiche représentant un magnifique cerf doté de bois fabuleux, une reproduction de lâart rupestre de Lascaux.
Elisabetta était allongée sur son lit, dans son habit, mais elle avait enlevé ses chaussures. Elle ne pouvait pas retourner à lâécole ou au couvent, parce que Zazo le lui avait interdit et il avait enrôlé le père dâElisabetta, Micaela et même sÅur Marilena dans sa croisade. Elisabetta avait fini par se rendre à lâargument quâelle mettait peut-être les enfants et les religieuses en danger si elle restait là -bas.
Elle ne pouvait pas retourner à la Commission pontificale dâarchéologie sacrée parce que, pour la première fois de sa vie, elle avait été renvoyée dâun emploi. La colère lui donnait la chair de poule : comment De Stefano pouvait-il penser quâelle avait la moindre responsabilité dans ce pillage ?
Et elle ne pouvait même pas prier en paix sans se sentir
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