La Prophétie des papes
distraite et sans que son esprit se laisse emporter dans des pensées agitées.
Dégoûtée, Elisabetta se redressa et remit ses chaussures. Avec une moue de défi, elle décida que, si elle ne pouvait reprendre son enseignement, elle continuerait son autre travail, quâelle fasse ou non partie de lâéquipe de De Stefano. Elle releva le menton. Elle poursuivrait, par curiosité intellectuelle. Mais il y avait autre chose de plus urgent, nâest-ce pas ? Une idée sâancrait profondément en elle : il lui fallait comprendre ce qui sâétait passé dans le columbarium de Saint-Calixte.
Pour sa propre survie.
« Que Dieu me protège », dit-elle à voix haute, avant dâaller à la cuisine se préparer du café et de sâinstaller dans la salle à manger pour feuilleter quelques livres de référence.
Elle entendit une clef tourner dans la serrure.
Elle leva les yeux et entendit son père appeler son nom.
« Je suis là , papa, dans la salle à manger. »
Ses livres et ses papiers étaient étalés sur la table. Elle avait utilisé lâordinateur de son père dans le salon pour envoyer un mail de sa boîte privée au professeur Harris à Cambridge â non pas pour annuler leur rendez-vous, mais simplement pour en changer le lieu.
La clef se trouve en B.
Elle était à mi-chemin de son étude dâune version moderne des deux textes de Faust quâelle avait trouvés dans une librairie près de la Commission, et elle prenait des notes sur le texte A. Ensuite, elle sâattaquerait à la version B, en se servant du livre de poche et de lâoriginal dâOttinger, cherchant non seulement les différences textuelles, mais toutes les notes en marge quâelle avait peut-être laissé passer précédemment.
Son père avait terminé sa journée de travail. Ils nâétaient pas habitués à se trouver en présence lâun de lâautre, en dehors des déjeuners du dimanche.
« Comment vas-tu ? demanda-t-il en allumant sa pipe.
â Je suis en colère.
â Bien, câest mieux que de pardonner.
â Ce ne sont pas des états exclusifs lâun de lâautre », dit Elisabetta.
Il grogna. La pipe sâéteignit. Il saisit son cure-pipe, déplia lâoutil le plus long et aéra méthodiquement le fourneau.
« Jâai de la soupe en boîte. Tu en veux ?
â Plus tard peut-être. Je ferai un vrai repas ce soir. Quâen dis-tu ? »
Carlo ne répondit pas. Ses yeux furent attirés vers la chose quâil aimait le plus au monde â les nombres.
Elisabetta avait recopié ceux du tatouage dâUlm sur une fiche bristol.
Â
63 128 99 128 51 132 162 56 70
32 56 52 103 132 128 56 99
99 39 63 38 120 39 70
Â
« Quâest-ce que câest ? demanda-t-il en ramassant la carte.
â Cela a un rapport avec le projet sur lequel je travaillais. Câest comme un puzzle.
â Je croyais quâils tâavaient dit dâarrêter.
â Câest le cas.
â Mais tu nâarrêtes pas.
â Non.
â Câest bien ! dit Carlo avec un hochement de tête approbateur. Une matrice de vingt-quatre nombres, neuf par huit par sept, poursuivit-il. Pas de schéma numérique qui me saute aux yeux. Est-ce que tu peux me donner du contexte ?
â Je nâai pas le droit, papa.
â Tu as raconté des choses à Micaela. Elle me lâa dit.
â Elle nâaurait pas dû en parler, dit Elisabetta.
â Elle mâa seulement révélé quâelle a eu droit à certaines informations. Sans préciser de quoi il sâagissait.
â Bien, parce que, comme moi, elle a signé un engagement de confidentialité avec le Vatican.
â Et hier soir, tu as dit des choses à Zazo. Est-ce quâil a signé un engagement aussi ? »
Elisabetta leva les yeux dâun air coupable.
« Je nâaurais pas dû lui parler, mais jâavais peur. Je suppose que jâai fait ce dont ils mâaccusent. Jâai divulgué des secrets du Vatican.
â Aberrant. Zazo est ton frère et policier au Vatican. Câest presque comme de parler à un médecin ou à un avocat ou même à un prêtre. Ne tâinquiète pas.
â Zazo nâa pas
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