La Prophétie des papes
toast sâensuivit.
Des bruits leur parvinrent de lâintérieur de la maison. Babington bondit, en alerte, mais ce nâétait que Mrs Bull qui revenait de ses courses. Elle passa la tête par la fenêtre et demanda si elle devait apporter un plateau de nourriture.
Ils mangèrent et burent jusquâà ce que lâombre du mûrier sâallonge et noircisse. Marlowe avait des nouvelles dont il dit à Babington quâelles avaient été transmises à Poley directement par lâambassadeur de France en Angleterre, Guillaume de LâAubespine. Lâorganisation de lâinvasion prenait forme. Les armées française, espagnole et italienne étaient engagées dans lâexpédition sacrée. On avait de bonnes raisons de croire que les catholiques anglais prendraient également les armes dès quâapparaîtraient des troupes étrangères arborant les couleurs du pape. Ce qui était requis, câétait lâultime assentiment de la reine Marie, que Babington était chargé dâobtenir.
Marlowe sortit de lâécritoire portative quâil avait posée à ses pieds les accessoires de sa profession. Il tailla une plume avec son meilleur couteau, ouvrit son flacon dâencre et amusa énormément Babington en épongeant la bière renversée sur la table avec son postérieur avant de poser le casier sur un endroit sec. Il étala quelques feuilles de parchemin sur le sous-main en cuir.
« Voudriez-vous me dicter ? demanda Marlowe. Je suis un excellent scribe.
â Kit, câest vous qui êtes lâauteur. Nous avons largement discuté de ce qui doit être transmis. Peut-être pouvez-vous vous-même rédiger. »
Marlowe acquiesça, disant quâil éviterait dâécrire dans une prose trop fleurie et privilégierait une langue simple. Tout en grattant le parchemin, il dit à haute voix :
Â
« Dâabord, sâassurer de lâinvasion. Des forces suffisantes chez lâenvahisseur. Nous avons choisi les ports où doit se dérouler lâarrivée. Il y aura une forte présence sur place pour se joindre à elles et sécuriser leur débarquement. Puis délivrance de Votre Majesté. Renvoi de la concurrente usurpatrice. Pour effectuer toutes ces tâches, il plaira peut-être à Votre Excellence de se confier à mes bons soins.
« Attendu que tout retard serait extrêmement dangereux, il plaira peut-être à Votre Excellentissime Majesté de nous diriger par Votre Sagesse, et par Votre Autorité Princière, de tout faire pour que lâaffaire progresse ; prévoyant que là où il ne se trouve pas de nobles libres et dévoués à Votre Majesté dans cette entreprise vitale, et considérant quâil en faut pour prendre la tête et conduire la multitude, toujours disposée par nature dans ce pays à suivre lâaristocratie, considérant en outre quâelle ne permet pas seulement dâentraîner la populace et la petite-bourgeoisie sans quâelles manifestent ni contradiction ni dispute, mais quâelle donne grand courage aux chefs.
« Je serai accompagné dâune dizaine de gentilshommes et dâune centaine de nos partisans pour délivrer Votre Royale Personne des mains de vos ennemis.
« Pour le renvoi de lâusurpatrice, à qui nous ne devons plus obéissance suite à son excommunication, il y aura six nobles gentilshommes, tous mes amis proches, qui, par le zèle quâils portent à la cause catholique et au service de Votre Majesté, entreprendront cette tragique exécution.
Â
« Ãtes-vous satisfait de cette composition ? » demanda Marlowe lorsquâil eut terminé.
Babington avait, semblait-il, la gorge sèche tant il était anxieux.
« Elle semble exprimer comme il convient nos connaissances de lâaffaire et nos demandes. Que la reine nous bénisse.
â Alors je la traduis en langage codé sur-le-champ. Pendant que je me consacre à cette tâche, demandez à la veuve Bull si elle peut nous apporter un peu de bière. Je ne boirai que par soif. La procédure consistant à substituer des lettres par des nombres et les mots par des symboles est ardue à lâextrême, et ma tête doit rester aussi claire que lâonde dans laquelle sâadmire
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