La Prophétie des papes
propositions des recruteurs de Walsingham et il devint rapidement lâun des agents les plus utiles du secrétaire dâÃtat, un informateur qui parvenait facilement à sâinfiltrer dans des complots papistes en Angleterre et sur le continent. Et, en échange dâune compensation adéquate, il se laissait même parfois emprisonner. Il nây avait pas de meilleur endroit que les geôles de Sa Majesté, clamait-il, pour rencontrer des conspirateurs catholiques.
Pendant le carême cette année-là , Poley avait organisé un dîner pour que de jeunes catholiques se rencontrent à la Plough Inn, près de Temple Bar, à lâouest de la City. Anthony Babington, une connaissance de Poley, fut invité avec deux étrangers dont Poley se portait garant, Bernard Maude et Christopher Marlowe. Naïf et malheureux, Babington était le seul autour de la table ce soir-là qui ne travaillât pas pour Walsingham.
Entre la bière, le vin et les chuchotements, Babington découvrit lâexistence de certains projets. Marie Stuart, reine dâÃcosse, était, selon la volonté dâÃlisabeth, emprisonnée depuis dix-huit ans pour avoir fomenté la révolte contre le règne protestant dâÃlisabeth et sâêtre présentée comme la reine légitime dâAngleterre et la restauratrice de la primauté du pape. à la suite de la découverte du complot de Throckmorton contre la Couronne, Marie se trouva condamnée à lâisolement total, à Chartley Hall dans le Staffordshire, coupée du monde extérieur par des gardiens puritains qui relataient le moindre de ses faits et gestes à Walsingham.
Les nouvelles rapportées par Poley étaient les suivantes : des agents catholiques en France, en Hollande et en Espagne faisaient circuler lâinformation que la Ligue catholique et les grands princes chrétiens dâEurope allaient rassembler une armée de soixante mille hommes pour envahir le nord de lâAngleterre, libérer Marie et lâinstaller sur le trône. Grâce aux inventions géniales de Kit Marlowe, un brillant jeune réfractaire récemment rallié à leur cause, une méthode de communication avec Marie avait été inventée. Marlowe avait imaginé de faire passer des lettres à Chartley Hall, cachées et scellées dans des emballages imperméables à lâintérieur des tonneaux de bière, et il avait également inventé un code sophistiqué pour ces messages au cas, peu probable, où ils seraient découverts.
Des lettres de conspirateurs avaient déjà été envoyées de cette manière et Marie avait répondu par des encouragements écrits. Mais elle avait été prudente. Elle ne connaissait aucun des conspirateurs personnellement. Ils avaient besoin de quelquâun qui lui était familier et en qui elle avait confiance.
Babington. En 1579, il avait été page auprès du comte de Shrewsbury qui était alors le protecteur de Marie. Elle aimait bien le garçon et, cinq ans plus tard, il avait été chargé de livrer plusieurs paquets de lettres en main propre à la reine écossaise. Bien quâil ait abandonné ce jeu dangereux pour mener la vie dâun gentleman à Londres, ses opinions étaient bien connues de ses sympathisants.
Alors la question qui fut posée à Babington ce soir-là fut la suivante :
« Allez-vous vous rallier à nous ? Allez-vous aider la reine Marie ? »
Sa réponse réjouit les espions. Comment cette trahison pouvait-elle réussir, chuchota-t-il, si Ãlisabeth restait en vie ? Elle était populaire parmi ses sujets égarés. Ne serait-elle pas capable de rassembler ses forces armées pour contrer efficacement les envahisseurs ? Le complot ne se déroulerait-il pas mieux si elle était conduite, selon lâexpression quâil employa, à une fin tragique ?
Les autres lui assurèrent que lâun dâentre eux, un certain John Savage, prévoyait de se charger de cet aspect-là , précisément, et, dans une réponse un peu alcoolisée, Babington scella son destin en trinquant avec tous les convives. Marlowe, qui était novice et inconnu des acolytes de Walsingham, serait son messager. Les deux jeunes gens échangèrent un sourire comme de parfaits conspirateurs et un autre
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