La Prophétie des papes
intercepté la réponse de Marie à Babington, il sâempara rapidement des conspirateurs. Marlowe se trouvait à Saint Giles in the Fields, en ce jour de la fin septembre, lorsque le regard troublé de Babington le repéra dans la foule, quelques instants avant que le malheureux jeune homme ne soit hissé par le cou sur lâéchafaud, pour être attaché, vivant, à une table. Le bourreau se servit dâun couteau ordinaire pour ouvrir le ventre plat de Babington. La brute vêtue de sa tunique de boucher sanguinolente fit lentement rôtir les entrailles de Babington et son pénis tandis que ses cris diminuaient pour finalement se taire définitivement et que ses yeux devenaient enfin vitreux. Ce jour-là , certains des spectateurs en eurent la nausée. Mais pas Marlowe.
Le procès de Marie suivit et, bien quâil fût conduit avec toutes les formalités exigées par les hautes raisons dâÃtat, lâissue ne fut jamais douteuse. Lâheure de son exécution dans la Grande Salle de Fotheringhay était venue ; elle aurait lieu dans la même salle où sâétait tenu le procès.
Marlowe, qui pour des raisons évidentes sâintéressait au plus au point à la mise en scène, sâémerveilla devant cette représentation particulière. Une estrade drapée de noir, dâun mètre cinquante de haut et de quatre mètres de large, avait été dressée à côté dâun feu qui flambait dans lâimmense cheminée. Marie se trouvait entre deux soldats ; derrière elle, ses suivantes étaient en pleurs. Le bourreau, cagoulé, les mains serrées sur son tablier blanc, avait posé sa hache contre la balustrade.
Tandis que la reine dâÃcosse priait en latin et pleurait, Marlowe se fraya un chemin dans la foule pour se rapprocher de la scène. Lorsque le moment vint pour elle de se dévêtir, elle parvint à dire :
« Jamais auparavant je nâai eu de tels chambellans pour me préparer et jamais je nâai retiré mes vêtements pour une compagnie telle que celle-ci. »
Les spectateurs eurent le souffle coupé lorsquâils découvrirent ses jupons : du satin rouge sang, les couleurs de son Ãglise, les couleurs des martyrs.
Marlowe retint son souffle lorsque le bourreau brandit sa hache très haut au-dessus de sa tête et lâabattit de toute sa force.
Néanmoins, le coup fut maladroit. Il manqua son but, sectionna le nÅud de son bandeau et glissa, entaillant profondément lâarrière de son crâne. La reine écossaise émit un petit cri aigu, mais resta immobile sur le billot. Le second coup trouva un meilleur angle et le sang jaillit comme il devait, mais même celui-là ne réussit pas à séparer complètement la tête du corps. Le bourreau fut obligé de se baisser et il se servit de sa hache comme dâun couteau pour découper les derniers nerfs.
Il attrapa la tête par le bonnet, se remit debout et la brandit bien haut. Mais au moment où il cria les mots quâil avait bien répétés : « God save the Queen ! » la tête lui échappa et il se figea, tenant le bonnet et une perruque auburn.
Elle partageait le secret avec ses suivantes. Marie était devenue presque complètement chauve. Sa tête ensanglantée tomba en roulant de lâéchafaud et atterrit aux pieds de Marlowe.
Il regarda sa bouche sâouvrir et se fermer comme si elle essayait de baiser sa botte, et chaque mouvement dâagonie faisait frémir plus vivement sa queue.
Je suis un lémure et jâai contribué à tuer la reine catholique.
Â
18
L a chapelle Sixtine de Michel-Ange nâavait pas été créée pour que des hordes de touristes se dévissent la tête et fassent crépiter leurs flashes.
Elle avait été créée pour cette occasion.
Scellée, déserte, il y régnait un silence imposant et prometteur ; elle baignait dans une lumière douce et naturelle tombant des hautes fenêtres, situées juste en dessous du plafond peint, qui éclairaient la chapelle.
Des rangées de tables, placées face à face et couvertes de velours marron étaient soigneusement disposées de part et dâautre de la chapelle. Sur chaque table, un simple carton blanc avec le nom dâun cardinal.
Il y eut le bruit
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