La Prophétie des papes
fortes dans notre mission et dans notre foi pour ne pas perdre de vue ce que nous devons accomplir avec les enfants et avec Dieu. » Marilena se mit à rire. « Bien sûr que cela nous a distraites. Vous savez bien que nous parlons ! Même ma mère ne peut parler de rien dâautre.
â Dites à Mama quâelle me manque », déclara Elisabetta, tout en se rendant compte en sursautant quâelle venait juste de prononcer des paroles identiques.
Soudain, le visage de Marilena devint sérieux. Il avait la même expression que lorsquâelle se préparait à informer des parents des mauvais résultats obtenus par leur enfant. « La mère supérieure Maria mâa appelée aujourdâhui de Malte », dit-elle dâune voix sombre.
Elisabetta cessa de respirer.
« Je ne sais pas où la décision a été prise, je ne sais pas pourquoi elle a été prise et je nâai pas été consultée. Vous êtes transférée, Elisabetta. Lâordre veut que vous quittiez Rome et que vous vous présentiez dans notre école à Lubumbashi, en république démocratique du Congo. On vous attend là -bas dans une semaine. »
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3 . La Tragique Histoire du docteur Faust, traduit de lâanglais par Fernand-C. Danchin, Les Belles Lettres, 1988.
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L ONDRES, 1586
L e jeune homme lança des regards nerveux dans le jardin entouré dâun mur et dominé par un mûrier qui était devenu trop grand pour la petite pelouse.
« à qui avez-vous dit quâappartenait cette maison ? demanda Anthony Babington.
â à une veuve, répondit Marlowe. Elle sâappelle Eleanor Bull. Poley la connaît. Elle est des nôtres. »
Ils étaient à Deptford, sur la rive sud de la Tamise. On était au début de lâété et les semaines précédentes avaient été très chaudes et très humides. Des vapeurs organiques fétides montaient de la rivière et restaient suspendues dans lâair. Le délicat Babington reniflait régulièrement un mouchoir parfumé pour ne pas être incommodé. Il avait vingt-quatre ans, il était blond et charmant malgré son visage tout grimaçant à force de plisser les yeux à cause du soleil de ce bel après-midi. Marlowe remplit de bière le verre de Babington et la mousse coula sur la table en chêne.
« Je dois dire, Kit, que je ne sais pas comment vous trouvez le temps de faire tout ce que vous faites â suivre votre maître à Cambridge, écrire vos chansonnettes et vous consacrer à , comment dirais-je, dâautres activités. »
Marlowe fronça les sourcils, mécontent.
« Je ne le nie pas, il semble quâil nây ait pas tout à fait assez dâheures dans la journée. Mais, pour ce qui est de votre premier point, jâai un accord avec mon superviseur à Benet. Je peux mâabsenter pendant un certain temps, du moment que jâhonore mes obligations universitaires. Concernant le troisième point, ma conscience exige que jâinvestisse dans ces âautres activitésâ. Quant au deuxième point, je nâécris pas des chansonnettes. Jâécris des pièces de théâtre. »
Babington était sincèrement mortifié.
« Je vous ai offensé et jâen suis confus. Je suis ébahi, monsieur, par votre assiduité et par vos talents.
â Vous serez convié à ma première, dit Marlowe avec magnanimité. Venez, reportons notre attention sur des questions plus importantes. Parlons de la restauration de la véritable foi catholique en Angleterre. Parlons de notre chère reine Marie. Parlons de cette vieille mégère dâÃlisabeth et de ce quâil faut en faire. Nous avons du soleil en abondance, de la bière et le plaisir dâêtre ensemble. »
Ils sâétaient rencontrés par le biais de Robert Poley, un des hommes de Walsingham. Pas un banal flagorneur, mais un être dâexception. Impitoyable et rusé, il avait été sizar à Cambridge en 1568, mais nâavait pas eu son diplôme parce que, présumé catholique, il nâavait pas pu prêter le serment dâallégeance obligatoire à la religion de la reine. Néanmoins, il nâétait visiblement pas tenu par ses principes au point de décliner les
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