La Prophétie des papes
récupéré sur la page Web de lâuniversité dâUlm, Elisabetta sâassit dans la cuisine, le téléphone coincé sous son menton. Elle finit par passer le barrage dâune secrétaire autoritaire et fut bientôt en ligne avec le doyen de la faculté des sciences de lâingénieur, Daniel Friedrich.
Le doyen Friedrich écouta en silence la demande dâinformation que lui adressait Elisabetta sur Bruno Ottinger, mais dès quâelle ouvrit la bouche, elle sut quâil ne pourrait pas lâaider. Il était arrivé assez récemment à lâuniversité et, bien quâil eût vaguement appris quâOttinger avait fait partie du département des années auparavant, il ne le connaissait pas personnellement. Il donnait aussi lâimpression dâavoir des choses bien plus importantes à faire.
« Y aurait-il dâautres membres de la faculté qui seraient susceptibles de se souvenir de lui ? demanda-t-elle.
â Peut-être Hermann Straub, dit le doyen dâun ton irrité. Il a toujours été là .
â Est-ce que je peux lui parler ?
â Vous savez quoi ? dit Friedrich brusquement. Rappelez et laissez votre numéro à ma secrétaire. Elle verra si Straub veut bien vous contacter. Je ne peux rien faire de mieux. »
Elisabetta avait déjà pris le numéro du bureau de Straub sur le site Web et elle le composa dès que le doyen eut raccroché. Un homme paraissant plus âgé répondit cérémonieusement en allemand, mais passa à un anglais fonctionnel lorsquâelle lui demanda sâil parlait anglais ou italien.
Straub se montra instantanément charmant et, dâaprès ce quâelle déduisait de son ton un peu sirupeux, probablement un séducteur vieillissant. Elle ne prit pas le risque de le décevoir en lâinformant quâelle était religieuse.
« Oui, répondit-il, surpris. Je connaissais Ottinger assez bien. Nous avons été collègues pendant de nombreuses années. Il est décédé il y a déjà quelque temps, vous savez.
â Oui, je sais. Peut-être pouvez-vous mâaider. Je me trouve en possession dâun objet de valeur qui lui a appartenu, un vieux livre, que mâa remis une connaissance commune. Je voulais essayer de découvrir quelque chose le concernant.
â Eh bien, il faut que je vous dise quâOttinger nâétait pas lâhomme le plus facile du monde. Je mâentendais relativement bien avec lui, mais jâappartenais à une minorité. Il était assez dur, assez revêche. La plupart des étudiants ne lâaimaient pas et ses relations avec les autres membres de la faculté étaient plutôt tendues. Certains de mes collègues ont refusé de lui parler pendant des années. Mais câétait un homme brillant et un ingénieur en mécanique remarquable. Jâappréciais ses travaux. Et lui appréciait les miens . Cela nous a permis dâentretenir des relations de travail harmonieuses.
â Que saviez-vous de sa vie à lâextérieur de lâuniversité ?
â Pas grand-chose, vraiment. Câétait un homme très discret et je respectais cela. à ma connaissance il vivait seul et nâavait pas de famille. Il se comportait comme un vieux garçon. Ses cols étaient élimés, ses pulls troués, vous voyez ce que je veux direâ¦
â Vous ne saviez rien de ses intérêts en dehors de lâuniversité ?
â Je sais seulement que ses opinions politiques étaient un peu extrêmes. Nous nâavions pas de grandes conversations sur ce sujet, rien de ce genre, mais il faisait souvent des petits commentaires qui montraient vers quel bord il penchait.
â Et lequel était-ce ?
â La droite. Lâextrême droite, je dirais. Notre université est assez progressiste et il était tout le temps en train de marmonner : les socialistes par-ci, les communistes par-là . Je crois quâil avait aussi des a priori contre les immigrés. Les étudiants que nous avions venant de Turquie et dâailleurs, eh bien, ils connaissaient la réputation dâOttinger et ils se tenaient à distance de ses cours.
â Appartenait-il à un parti politique ? demanda Elisabetta.
â Je ne sais pas.
â A-t-il jamais mentionné un intérêt pour la
Weitere Kostenlose Bücher