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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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pour l’Italie cessait d’absorber toutes nos ressources ?
    Le vieux baron, sans répondre, gratifia la mère du roi d’un regard où la connivence et la complicité, quoique respectueuses, s’accompagnaient de toute la sympathie possible.

    Tous deux entrèrent dans la salle où devait se tenir un conseil de finances. Comme chaque fois, ou presque, c’est Madame qui s’apprêtait à le présider, soulageant son fils d’une obligation qui, pour l’essentiel, ne le passionnait pas. Les commis paraissaient tout dispos. Louise était à peine assise quand un huissier vint la prévenir que le chancelier Duprat demandait à la voir, toutes affaires cessantes. Elle leva les yeux au ciel.
    — Qu’il entre, dit-elle, et qu’on en finisse !
    Antoine Duprat surgit aussitôt, la mine grave et les traits échauffés. Il s’inclina vivement, salua Semblançay et l’assemblée puis, se dandinant en direction de Madame, s’approcha d’elle pour lui parler à l’oreille.
    — Des nouvelles de Rome, Madame. Le conclave paraît décidé.
    Louise ne broncha pas.
    — Qui ?
    — Eh bien... Malheureusement...
    — Ils vont élire Floriszoon  11 .
    — C’est probable, en effet.
    — Il n’est même pas italien !
    Adriaan Floriszoon avait été le précepteur de Charles Quint avant d’en devenir le ministre influent ; le voir monter sur le trône de Saint-Pierre avait de quoi inquiéter les ennemis de l’empereur : le nouveau pape n’allait-il pas chercher tous les moyens d’aider son ancien disciple ? Madame aussi devait le craindre ; mais elle choisit de réagir avec grandeur.
    — Préparez un message enthousiaste, dit-elle ; nous réglerons cela avant midi.
    Le chancelier s’inclina.
    — Duprat ! l’appela-t-elle avant qu’il ne se fût éloigné.
    — Madame ?
    Le gros homme se rapprocha, dans un souci de confidentialité. Madame, tout en lui parlant, dévisageait les différents commis du conseil de finances.
    — Duprat, ce Floriszoon se dit prêt à réformer l’Église, n’est-ce pas ?
    — C’est ce qu’il prétend, madame.
    — À la bonne heure, nous aussi.
    — Mais...
    — Je n’ai rien dit ! Pour le reste, nous en reparlerons.
    Le chancelier s’inclina de nouveau et s’éloigna. Il n’était pas sorti que Madame le rappela de nouveau.
    — Monsieur le chancelier !
    Cette fois elle parlait à voix haute, et chacun put l’entendre.
    — Le moment me paraît venu de réunir ce fameux concile de l’Église de France, déclara-t-elle. On y parlera de réforme, naturellement, mais aussi – elle se tourna vers Semblançay – ...mais aussi de subsides et des secours du clergé à la Couronne.
    Le baron consentit un large sourire : il se dit que Madame ne serait jamais à court d’expédients. Sur quoi, d’un geste, la mère du roi mit fin à l’aparté pour ouvrir une séance qui s’annonçait plus longue et plus ardue encore que de coutume.
    Environs de Compiègne.
    A u manoir de Coisay, le premier retour de Gautier depuis son entrée à la Cour avait été fêté comme celui du Fils prodigue. Son oncle, qui tenait la maison, avait décimé la basse-cour et rameuté pour la circonstance toute une partie du voisinage. Sa mère, ses sœurs, s’étaient plus investies que de coutume dans la décoration de la grande salle et la préparation du repas de Noël.
    Quant au jeune Simon, presque remis de son accident de cheval, il avait balancé entre un bonheur sincère – n’avait-il pas dévalé le sentier au-devant de son demi-frère, criant de joie ? – et des sautes d’humeur assez peu conformes à son naturel doux et jovial.
    À la vérité, Gautier supporta mal l’ambiguïté de la réaction fraternelle. Ses relations avec Simon n’avaient jamais été exemptes d’une certaine confusion : longtemps l’affection démonstrative de son cadet l’avait attendri et flatté ; à présent elle l’irritait.

    — Raconte, Gautier, raconte-nous encore le sauvetage de Simon, avaient, en chœur, réclamé parents et amis.
    — Il ne s’est rien passé depuis la dernière fois ; et mes souvenirs sont moins nets... protesta l’intéressé.
    — S’il te plaît, supplia une cousine ; redis-nous comment tu as sauté d’un cheval sur l’autre !
    Le héros malgré lui dut s’exécuter, et revenir en détail sur un épisode entré d’emblée dans la légende familiale. Il en était à peine au récit de la branche assommant le novice que l’on vit Simon se lever et,

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