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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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pieds meurtris. Saint-Vallier ne se prêtait que distraitement à cet habillage, car son esprit restait tout enivré d’espérance.

    À peine fut-il vêtu que deux archers firent irruption, suivis de près par le geôlier.
    — Allons, dit celui-ci. Êtes-vous décent ?
    — Monsieur, commença Saint-Vallier dans un raidissement, en fait de décence...
    — Oui, très bien. Soldats, conduisez-le.
    Les archers détachèrent le prisonnier pour lui faire dévaler les degrés du donjon, jusqu’à la grande salle où siégeaient ce matin-là des commissaires désignés par le roi – en personne le premier président du Parlement de Paris et trois hauts conseillers  19 . Ces messieurs, tout empesés, affectèrent de n’attacher aucune importance à l’entrée de l’accusé, aussitôt mis sur la sellette. Ils dissertaient gravement à voix basse, en mystérieux conciliabule.
    Jean de Saint-Vallier montrait un sombre visage ; la déception se lisait sur ses traits : ainsi, ce n’était pas pour la visite d’un parent ou d’un allié qu’on l’avait, aux aurores, tiré de son cachot – mais en vue de l’interroger encore ! Après un long moment, le président de Selve daigna jeter un regard en sa direction.
    — Poitiers, l’apostropha-t-il durement, nous avons étudié vos réponses, naguère, au maître des requêtes Lhuillier. Elles ne nous ont pas convaincus. Nous sommes persuadés que vous avez menti.
    — Monsieur...
    — Taisez-vous donc ! Vous parlerez quand on vous le demandera.
    Le premier président marqua une pause.
    — Du reste, ajouta-t-il comme pour lui-même, il sera bien temps de parler quand on vous appliquera la question.
    Cette menace acheva d’abattre Saint-Vallier. Était-il possible qu’on projetât de le torturer, lui, vaillant soldat, seigneur d’antique famille, comme un vulgaire brigand, et qu’on lui arrachât des aveux au prix de souffrances indicibles ?
    — Ainsi, reprit le président, vous affirmez et réaffirmez n’avoir jamais, de près ou de loin, été seulement au fait de la conjuration fomentée par le duc de Bourbon.
    — Monsieur, j’ai fait publier par mes gens un cartel de défi contre quiconque oserait prétendre le contraire.
    L’un des conseillers ne put réprimer un éclat ; mais il fut rappelé à l’ordre, d’un simple geste, par le président.
    — Nous n’avons cure de vos défis. Nous voulons seulement que vous nous disiez, tout net, ce que vous avez su du pacte secret passé à Montbrison.
    — Rien du tout, monsieur. Je n’en ai rien su, du tout.
    — Et pourtant vous avez vu le connétable au plus fort de la conspiration.
    — J’ai vu le connétable, mais seulement pour lui parler du mariage d’un de mes fils avec la demoiselle de Miolans...
    — Et vous n’avez pas assisté à l’entrevue de Montbrison.
    — Non, monsieur.
    Le président commençait à prendre la mouche.
    — En un mot, n’avez-vous pas reçu la moindre confidence sur la félonie du connétable ?
    — En trois mots : pas la moindre.
    — Bien... Très bien.
    Le président de Selve avisa ses conseillers, puis d’un signe de tête, il demanda qu’on fît entrer le témoin qu’il gardait en réserve. C’était le sieur de Saint-Bonnet, homme de confiance du connétable. Dès qu’il le vit paraître, Jean de Saint-Vallier vacilla ; il sentit de froids tentacules lui enserrer le cœur, et fut pris d’une irrépressible quinte de toux.
    Le pauvre témoin, enchaîné lui-même par les poignets, faisait maintenant face aux commissaires.
    — Connaissez-vous ce gentilhomme ? demanda posément Selve.
    — Oui, monseigneur.
    — Pouvez-vous l’identifier ?
    — C’est M. de Saint-Vallier, seigneur de Poitiers. Le père de Mme la grande sénéchale.
    Le président hocha la tête.
    — L’avez-vous vu à Montbrison en juillet ?
    Saint-Bonnet fit tarder sa réponse. Encore ne la murmura-t-il que dans un souffle, et après qu’on lui eût répété la question.
    — Oui, monseigneur.
    — Était-ce le soir de la conspiration ?
    — Oui, monseigneur...
    — Il ment ! tenta Saint-Vallier.
    — Mais taisez-vous, à la fin ! Saint-Bonnet, pouvez-vous affirmer devant nous que ce gentilhomme se trouvait parmi les conspirateurs de Montbrison, le 18 juillet dernier ?
    À présent Saint-Bonnet pleurait à chaudes larmes.
    — Oui, monseigneur, je vous l’affirme.
    Il se tourna, tout éploré, vers l’accusé qui toussait de plus belle.
    — Pardon, messire,

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