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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Caldwell
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conseille Gil.
    Paul ne réagit pas, mais le message est clair et je file dans ma chambre : plutôt mourir que de me montrer attifé de la sorte à l’Ivy. Paul, qui n’est qu’une ombre dans son propre club, peut se permettre d’enfreindre le code vestimentaire, nul ne lui en tiendra rigueur.
    Alors que je fouille mes tiroirs, je m’aperçois que je n’ai pratiquement rien de propre à me mettre. Je finis par trouver un pantalon militaire roulé en boule au fond de la penderie et une chemise oubliée depuis si longtemps dans un tiroir que les plis ressemblent à une fantaisie dans le tissu. Je cherche en vain mon anorak, avant de me rappeler qu’il est toujours accroché, avec le sac de Charlie, dans l’un des tunnels souterrains. J’enfile le manteau que ma mère m’a offert à Noël et regagne le salon, où Paul, assis près de la fenêtre, les yeux rivés sur les étagères de livres, paraît abîmé dans sa méditation.
    — Tu prends le journal avec toi ?
    Il tapote le petit paquet de chiffons sur ses genoux et acquiesce.
    — Où est Charlie ? dis-je.
    — Il est déjà parti, répond Gil en m’entraînant dans le couloir. Il voulait avertir les proctors.
    Avant de refermer la porte, il vérifie le contenu de sa poche.
    — Clef de la chambre… Clef de la voiture… Carte d’identité…
    Cet excès de zèle me met mal à l’aise. Gil n’est pas homme à se préoccuper des détails. Je jette un dernier regard à l’intérieur : les deux enveloppes m’attendent toujours sur la table. Gil verrouille la porte avec minutie, tournant deux fois la poignée pour s’assurer que le verrou est bien tiré. Nous marchons vers sa voiture dans un lourd silence. Au loin, des proctors arpentent les rues, ombres parmi les ombres. Nous les observons quelques secondes, puis Gil actionne le levier de vitesse et nous glissons doucement dans l’ombre.

Chapitre 8
    Après avoir dépassé le poste de sécurité de l’entrée nord, nous nous engageons dans Nassun Street, l’artère principale du campus de Princeton. Les rues sont désertes à cette heure, à l’exception de deux énormes chasse-neige et d’un camion d’épandage de sel qu’on a arrachés à l’hibernation. Quelques boutiques isolées luisent encore dans la nuit, la neige caresse les vitrines des devantures. Les vêtements Talbot et la librairie Micawber Books sont fermés à cette heure, mais Pequod Copy et les cafés font recette grâce aux étudiants de dernière année engagés dans leur course contre la montre.
    — Content d’avoir terminé ? demande Gil à Paul, qui est de nouveau plongé dans ses pensées.
    — Quoi ? Mon mémoire ?
    Gil regarde dans le rétroviseur.
    — Je n’ai pas encore fini, ajoute Paul.
    — Allez ! Tu as terminé. Qu’est-ce qu’il te reste à faire ?
    Paul respire bruyamment. La lunette arrière se couvre de buée.
    — Plein de choses.
    Au croisement, Gil s’engage à droite dans Washington Road, puis roule vers Prospect Avenue, où s’alignent les clubs. Gil a compris qu’il était préférable de se taire. De toute façon, je le sais, son esprit vagabonde. Il est préoccupé. La soirée annuelle de l’Ivy a lieu demain soir, et l’organisation de cet événement lui incombe, en tant que président. La rédaction de son mémoire l’a éloigné de ses responsabilités, mais il se rend souvent à l’Ivy depuis quelques jours pour se convaincre que tout est sous contrôle.
    Dans le parking, Gil se gare à une place qui lui semble réservée. Dès qu’il éteint le moteur, un silence glacial envahit l’habitacle. Dans la tourmente du week-end, le vendredi est synonyme d’accalmie, occasion pour les fêtards de dessaouler entre les bringues traditionnelles du jeudi et du samedi soir. La tempête de neige assourdit même le bourdonnement des voix des étudiants qui rentrent au bercail après avoir dîné.
    À en croire les prospectus de la fac, les eating clubs constituent « le fin du fin de la restauration à Princeton ». En réalité, nous n’avons pas vraiment le choix. Autrefois, quand l’extinction des feux de réfectoire et la mauvaise humeur des restaurateurs contraignaient les étudiants à se débrouiller seuls, une poignée d’entre eux décida d’organiser des repas sous le même toit. L’université de Princeton étant ce qu’elle était à l’époque, le toit en question tenait davantage du manoir que de l’humble gargote. À ce jour, les eating clubs

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