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La reine de Saba

La reine de Saba

Titel: La reine de Saba Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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de fuir la vieillesse ? Almaqah ne lui fera pas plus
de cadeau qu’aux autres hommes.
    Myangabo
ne put retenir un couinement d’amusement. Sa bouche édentée s’ouvrit sur un
rire que les flammes dansantes rendaient encore plus joyeux.
    — C’est
qu’Almaqah n’est pas son dieu, mon frère. Râ est son dieu : le soleil
unique. Mais, surtout, Pharaon ne veut pas être un homme. Pour son peuple, et
même pour nous, il veut être un dieu de chair à l’apparence d’homme aux côtés
de Râ. Qui sait ? Peut-être croit-il l’être. Tout comme son épouse.
    — Un
dieu gourmand d’or pour briller autant que son tout-puissant soleil, gloussa
Himyam.
    Le rire de
Myangabo ne fit que croître, secouant son ventre rebondi.
    — Oh,
tu as la parole juste, comme d’habitude, sage de mon frère ! Un homme-dieu
très gourmand d’or, de myrrhe, d’encens, de bois noir et de bois rouge,
d’aigles, de lions, de tigres, d’hommes et de peuples… Il n’y a que les chevaux
qui ne satisfont pas sa gourmandise !
    — Il
n’a pas aimé mon présent ? s’étonna Akébo en fronçant les sourcils. Mes
plus beaux chevaux ? Je les ai regrettés dès que je te les ai donnés…
    — Pharaon
admire les animaux qui sont des dieux comme lui. Pour le reste, il aime les
éléphants et les chameaux, comme il aime les esclaves : pour construire
des temples plus hauts que des montagnes dans le sable du désert. Il tient sous
son pouvoir plus d’hommes à sacrifier que le royaume de Saba ne compte de
sujets. Le cheval, il en use pour la guerre. Je ne sais comment, car je ne l’ai
pas vu de mes propres yeux, mais on prétend qu’il en possède des milliers qu’il
lie à des caisses.
    Akébo eut
un sursaut de dégoût.
    — Des
caisses ? C’est stupide.
    — Je
n’en sais pas plus. Sinon que les ennemis de Pharaon les craignent.
    Bien
qu’Himyam s’amusât encore à écouter ces mots, il retint ses gloussements. Akébo
était d’une tout autre humeur. Son visage se confondait avec l’obscurité,
pourtant la colère qui gonflait en lui se devinait aussi aisément qu’un vent de
tempête.
    Dans la
salle derrière eux, la fumée noire des vasques de bitume devenait irrespirable.
Akébo gronda un ordre. Les serviteurs s’empressèrent de recouvrir les flammes
avec du sable. Les éclats d’or des présents de Pharaon s’éteignirent tout aussi
bien que le bitume. Nul doute qu’Akébo le Grand n’était pas mécontent de ne
plus les avoir sous les yeux.
    Il annonça
qu’il était grand temps de manger, serra l’épaule de Myangabo de son index et
de son pouce de guerre.
    — Pardonne-moi,
mon frère, ton ventre doit te faire souffrir autant que celui d’un nouveau-né
qui ne trouve pas le sein de sa mère, et moi, je retarde ton plaisir du jour.
    Myangabo
était réputé pour sa gourmandise. On le prétendait capable de manger de tout et
à toute heure du jour ou de la nuit. L’allusion déclencha le rire des trois
hommes et effaça la tension.
    Les
serviteurs approchèrent des torches ordinaires. Protégés de la pluie par
l’auvent qui courait le long des murs, ils rejoignirent la première cour,
grimpèrent l’étroit escalier qui conduisait à la terrasse royale. Le repas
était disposé sur des tables basses dans une alcôve proche de la chambre
d’Akébo et qui ouvrait en grand sur la terrasse, permettant de s’abriter du
soleil tout autant que des intempéries.
    De la cour
des femmes, dans l’autre partie du palais, provenait un chant doux et balancé.
On ne pouvait en comprendre les paroles mais la tendresse des voix faisait
frissonner les nuques.
    — Désormais,
il n’est pas de jours sans que les femmes du palais chantent les mots
qu’invente Makéda, grommela Akébo. Voilà ce que j’ai fait, moi qui ne suis pas
un dieu mais seulement un roi. J’ai conquis un royaume et enfanté une fille qui
passe son temps à inventer des chansons…
    Cela était
prononcé sur le ton du reproche. Himyam et Myangabo entendirent cependant toute
la fierté qui vibrait dans la poitrine d’Akébo le Grand.
    Le repas
était un festin arrosé de bière longtemps fermentée. Ils étaient assis sur de
larges coussins à dosseret de bois. Silencieux depuis un long moment, écoutant
et scrutant, au-delà de la terrasse, la nuit profonde comme un puits. Le chant
des femmes avait cessé depuis longtemps. Le bruit de la pluie sur les dalles
résonnait dans le noir. La bière et la faible lumière des torches

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