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La reine de Saba

La reine de Saba

Titel: La reine de Saba Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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que Makéda monta dans un char tiré par quatre mules
harnachées pour aller du palais à la colline du temple. C’est seule qu’elle
gravit l’escalier jusqu’au sanctuaire de Râ. Elle portait la tunique d’or
offerte par Myangabo. Elle était éblouissante.
    Et c’est
ce que virent les habitants d’Axoum : la fille d’Akébo le Grand, ainsi
qu’une lame d’or vivante, montait les marches, franchissait la plate-forme et
disparaissait dans la pyramide.
    Une curieuse
émotion les saisit alors. L’éclat de Makéda avait été si intense l’instant
précédent qu’elle sembla avoir été avalée par la masse de pierre. Comme si déjà
elle manquait dans l’air d’Axoum. Comme si elle allait y être engloutie à
jamais et ne pas reparaître.
    Un murmure
glissa dans la bouche des hommes. Les femmes posèrent la main sur la nuque de
leurs enfants, les serrèrent contre leurs hanches.
    On savait
par les ouvriers qu’il existait une sorte de chambre à l’intérieur de la
pyramide. Nue, pauvre, froide. Les architectes assuraient que son plafond ne
s’effondrerait pas sous le poids des pierres. Plus d’une était cependant tombée
pendant la construction, brisant les échafaudages et écrasant les corps.
    Tous
ignoraient comment on sacrifiait à Râ et tous ignoraient les paroles que Makéda
allait lui chanter. Mais soudain, à la voir disparaître si seule dans la
pyramide, on devinait que la fille d’Akébo allait livrer une sorte de combat
qui valait bien celui de son père avec le python. Un combat d’autant plus
difficile qu’il était invisible et absolument mystérieux.
    Le temps
dura.
    Akébo,
Myangabo, Himyam et Kirisha se tenaient aux portes du palais, le visage levé
vers le temple. La peur du peuple les atteignit telle une fumée. Elle les
étreignit à leur tour.
    Une
grimace plissa le visage d’Himyam et y grava le doute. Il évita de regarder
autour de lui. Se pouvait-il que la rumeur qu’il avait lancée fût une
vérité ?
    Râ était
après tout le dieu de Pharaon. La puissance de Pharaon et la splendeur de cette
puissance. Rien à voir avec la langue fourchue d’Arwé. Myangabo et lui
n’avaient-ils pas été d’une désinvolture coupable en désignant Makéda pour un
sacrifice dont, en vérité, ils ne mesuraient ni la force ni l’effet ?
    Makéda ne
sortait pas sur la plate-forme. Le silence qui s’abattit sur les collines
d’Axoum sidéra le peuple de la ville comme les puissants et les serviteurs du
palais.
    Tan’Amar
brusquement n’y tint plus.
    Il se
laissa tomber du chameau d’apparat sur lequel il avait accompagné Makéda au
pied de l’escalier. Il gravit les marches en bondissant. Il était presque
parvenu à la plateforme lorsqu’un même cri jaillit de mille et mille bouches.
    Makéda
sortait de la pyramide. Lame d’or plus étincelante que jamais. Les bras levés,
la marche lente, le disque d’or sur sa poitrine aveuglant jusqu’aux murailles
de la ville.
    Akébo se
jeta sur un cheval et galopa pour rejoindre Tan’Amar. Kirisha riait entre ses
larmes et Himyam put enfin risquer un coup d’œil vers la face livide et
brillante de sueur de Myangabo.
    À tous,
sans qu’ils puissent bien comprendre pourquoi, il semblait que les dieux
venaient de frapper un coup menaçant avant de les épargner.
    Aussi,
quand Akébo prit la main de Makéda pour la faire remonter dans le char,
lorsqu’il cria face au ciel : « Makéda, fille d’Akébo et de Bilqîs,
fille de Râ et fidèle d’Almaqah, reine de Saba ! », sans une seule
hésitation les milliers de bouches reprirent le cri :
    — Longue
vie à Makéda, fille d’Akébo et de Bilqîs, fille de Râ, fidèle d’Almaqah, reine
de Saba !
     

 
     
     
     
     
     
     

Troisième partie
     

1
Sabas
    Les nuages,
aussi noirs que s’ils charriaient de la suie, filaient au ras de flots hachés
de vagues énormes, bouillonnantes d’écume. La mer, verte, lacérée de larges
traînées rouges près des côtes, ressemblait à l’échine d’un monstre dévoré de
colère et jamais rassasié de carnage.
    Makéda
s’agrippait à la murette de la terrasse. Le vent du sud, humide et glacé,
transperçait son manteau de laine et gonflait sa tunique. Les rafales,
puissantes, la faisaient vaciller.
    Le jardin
du palais et la crique du port de Sabas offraient un spectacle de désolation.
Arbres et branches arrachés, toitures des entrepôts et des pauvres masures
envolées. L’extrémité de la digue du port,

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