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La reine de Saba

La reine de Saba

Titel: La reine de Saba Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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yeux
de Kirisha se mouillèrent. Elle s’écarta pour mieux respirer.
    — C’était
après un repas, il y a vingt jours de cela. Il est venu prendre son repos comme
il aime à le faire. Il s’est écroulé avant d’atteindre sa couche. Ses sens lui
faisaient défaut. Ses yeux ne voyaient plus. Il n’entendait pas, une écume
blanche et puante sortait de sa bouche. Il tremblait si fort que les servantes
n’arrivaient pas à le porter. J’ai préparé des herbes pour lui vider le ventre.
Cinq fois je l’ai contraint à boire. Toute la nuit… C’est seulement au matin
qu’il m’a reconnue. Il m’a dit qu’il ne sentait plus ses jambes ni ses bras. Il
a fallu deux jours pour que le toucher lui revienne…
    Makéda
l’écoutait, glacée. Ce qu’elle redoutait était advenu.
    — Du
poison !
    Kirisha
ferma les paupières, où s’immobilisèrent ses larmes.

    — Depuis,
il ne mange rien que je n’aie goûté moi-même. Des servantes dévouées en font
autant avec la nourriture d’Himyam et de Myangabo.
    — As-tu
découvert le coupable ?
    — Un
tout jeune garçon des cuisines. Il allait chercher les herbes au jardin.
C’était facile pour lui de mêler le poison aux épices. Douze ans à peine. Le
fils d’un des pendus offerts au serpent Arwé. Qu’Almaqah lui pardonne.
    — Un
enfant ? Quelqu’un lui a soufflé cette idée.
    — On
ne saura jamais. Quand les gardes ont voulu le prendre, il a couru sur le mur
de l’enceinte pour s’y jeter. Quelle folie !
    Kirisha ne
pouvait retenir ses larmes, mais rien n’entamait la dureté du visage de Makéda.
    — Si
l’assassin nous échappe, on sait le cœur et la bile qui vomissent cette haine…
    Kirisha
saisit les mains de Makéda pour en baiser les doigts.
    — Mon
roi va mieux maintenant. Mais j’ai peur.
    — Tu
n’as plus à craindre. Aucun espion de Shobwa n’oserait demeurer dans le palais
désormais. Et s’il en reste qui s’aventurent dans la ville, nous les
trouverons.
    Kirisha
secoua la tête.
    — J’ai
peur que le mal ne soit fait. Akébo parle dans son sommeil. Il crie, il se bat.
Jamais jusqu’à ce jour je n’ai entendu un son passer ses lèvres pendant qu’il
dort. J’ai demandé aux vieilles : elles disent que c’est ainsi qu’Almaqah
rappelle les âmes puissantes. Il les visite pendant leur sommeil et les tire à
lui…
    — Kirisha…
    — Et
il est fatigué, plus que son âge ne l’exige et plus qu’il ne le montre. Tu as
vu comme ses gestes sont lents et pesants ? Il ne songe plus au plaisir
qu’il peut trouver dans mes bras. Ni même avec une fille fraîche et jolie…
    Makéda
enlaça Kirisha, lui baisant les tempes et les yeux pour l’empêcher de
continuer. Pour la première fois, c’était elle qui caressait afin d’endiguer la
peur et la détresse de celle qui tant de fois avait consolé et apaisé l’enfant
furieuse qu’elle avait été.
    *
    **
    — Kirisha
ne dit, hélas, rien d’autre que la vérité, soupira Himyam en se frappant
doucement la poitrine avec le pommeau de son bâton. Comment cela a-t-il été
possible ? Je ne sais. J’ai partagé son repas ce jour-là. À ma manière. Et
sans rien ressentir du poison. Qu’Almaqah en soit mille fois remercié.
    Le
ricanement sec dévoila les gencives d’Himyam.
    — Et
tu connais le coupable… Un enfant ! Dix ou douze années. Qui voulait
venger son père d’avoir trouvé le chemin d’Almaqah dans la gueule du python
qu’Akébo a tranché.
    — Quelqu’un
lui a mis le poison dans la main et lui a expliqué comment en user.
    — Certainement.
Une ombre. Une ombre disparue depuis longtemps. Une ombre qui court vers Maryab
en ce moment pour répandre la nouvelle de la faiblesse d’Akébo.
    — Sois
sans crainte. Il ne reste plus longtemps avant que Makéda, fille de Râ et
d’Almaqah, fille de Bilqîs, reine de Saba au côté de son père, efface pour
toujours ces ombres du monde des humains.
    La bouche
encore béante, le vieil Himyam l’observa, retenant son souffle. La voix de
Makéda n’avait pas porté loin, mais elle contenait tant de fureur et de
férocité que l’air, autour d’eux, parut geler.
    Makéda
allait gronder à nouveau quand Myangabo surgit. Son visage était brillant
d’excitation. Il agita l’étui de cuir contenant le papyrus trouvé par Tan’Amar
au cou du naufragé.
    — Nous
savons ! s’écria-t-il, le ventre frémissant de satisfaction.
    — Que
saurais-tu qu’on ne sache déjà ?

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