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La reine du Yangzi

La reine du Yangzi

Titel: La reine du Yangzi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Baudouin
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laquelle Sun et lui-même ont adhéré et qui les soutient. Et s’il veut compter sur lui pour organiser leur mouvement à Shanghai, autant le mettre dans la confidence.
    — Pékin est loin, très loin et c’est notre chance. Nous allons donc commencer par faire peur à l’empereur ici, à Canton, en prenant le contrôle de la ville puis de tout le Guangdong. Il sera contraint d’envoyer des troupes dans le Sud pour nous déloger et ramener la province dans le giron de l’Empire. C’est le moment que nous choisirons pour frapper ailleurs. Au cœur de l’Empire. Voilà lestratagème que le docteur Sun Yat-sen a décidé d’utiliser car il a déjà fait ses preuves dans notre histoire.
    — N’est-ce pas l’un des Trente-Six Stratagèmes, celui qui propose de « jeter une brique pour récolter du jade »?
    — Tu connais tes classiques, Zhu Chang. Le stratagème dit en effet : « Une chose pour une autre, toutes deux de même espèce mais non de même valeur. Celle de moindre prix suffira à constituer un appât. » Une ruse particulièrement utile quand on s’attaque à plus fort que soi.
    — La brique est Canton et Pékin le jade, c’est cela ?
    — Exactement. Nous frapperons loin du cœur pour l’atteindre plus facilement par surprise.
    — Et quand passons-nous à l’action ?
    — Pas immédiatement : la guerre avec les Japonais est une bonne surprise qui sert nos plans. Tout ce qui affaiblit les armées impériales nous aidera à accélérer la chute des Qing.
    Chang sait bien que l’objectif de Sun est de chasser la dynastie mandchoue et d’instaurer une république. Il l’a rejoint pour cela. Le groupe qu’il vient de fonder, le Xing zhong hui, milite pour que la Chine retrouve ses droits sur tout son territoire et expulse tous les étrangers qui se sont appropriés des morceaux entiers de son empire, des villes, des quartiers, des provinces même. Pour y parvenir, Sun veut prendre le pouvoir et installer un nouveau gouvernement qui mettrait fin à l’empire.
    — Quand ? répète Chang. Si ce n’est pas dans l’immédiat, je pourrais retourner à Shanghai.
    Le visage de Yang se crispe brusquement.
    — Il n’en est pas question, dit-il avec rudesse. Tu restes ici. J’ai besoin de toi à Canton pour organiser le soulèvement et je suis ton chef. Tu me dois une obéissance absolue.
    Intimidé par l’autorité de Yang Heiling, Chang n’ose pas se rebeller. Il aurait voulu aller voir sa mère et OncleLiu, et leur annoncer qu’il s’était engagé dans le combat pour le redressement de la Chine mais sans leur avouer qu’il devait se dévouer corps et âme à la cause et se soumettre aveuglément aux décisions de son chef. Un instant, il médite sur cette position paradoxale qui lui impose d’abandonner une part de son libre arbitre au bénéfice d’un combat pour la liberté dont il est loin de connaître l’issue. Oncle Liu lui ferait certainement des commentaires acerbes sur cet engagement qui restreint autant son indépendance et lui demanderait d’où lui vient un tel esprit de sacrifice. La pensée de son père traverse fugitivement son esprit : serrement de cœur inattendu à l’idée que, si Charles Esparnac était toujours de ce monde, il aurait pu être obligé de le chasser de Shanghai le jour où Sun Yat-sen serait arrivé à prendre le pouvoir.
    Après avoir quitté Yang Heiling, alors qu’il regagne discrètement la soupente minuscule qu’il loue depuis son arrivée à Canton, la pensée de son père ne le quitte pas. En vain essaie-t-il de chasser l’image floue qu’il conserve de lui, figure très noire aux yeux ardents qui, la dernière fois qu’il l’a vue, s’apprêtait à frapper sa mère. Mais le souvenir, étonnamment précis, s’impose à lui. Il se rappelle ses propres cris, ses larmes, sa frayeur devant cet homme qui avait fait irruption chez eux, un soir de grande chaleur, presque dix ans plus tôt, et qu’il n’a jamais revu parce qu’il est mort quelques minutes plus tard dans une rue voisine. Liu Pu-zhai ne lui a jamais dit pourquoi il avait été assassiné et cette ombre supplémentaire épaissit plus encore le mystère qui l’entoure et sa curiosité. Un jour, se dit-il en s’endormant, il faudra bien que je sache qui il était vraiment et qui sont mon frère et ma sœur, bien vivants, eux.
     
    *
     
    —Vous en faites une tête ce matin, Joseph ! s’étonne Olympe en entrant dans les bureaux de la Compagnie du Yangzi.
    Le

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