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La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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l’appât du gain. Leurs calculs souvent dissimulent des
songes abstraits de puissance.
    Le capitaine général des Lombards
rêvait lui aussi, d’autre manière que le comte de Valois, mais il rêvait ;
il se voyait déjà fournissant en or brut les grands barons du royaume, et
dirigeant leurs querelles puisqu’il en négocierait l’armement. Or qui tient
l’or et tient les armes détient le vrai pouvoir. Messer Tolomei jouait avec des
pensées de règne…
    — Alors, reprit Valois,
êtes-vous décidé maintenant à me procurer la somme que je vous ai
demandée ?
    — Peut-être, Monseigneur,
peut-être. Non que je sois en mesure de vous la donner moi-même ; mais je
puis sans doute vous la trouver en Italie, ce qui conviendrait fort bien
puisque c’est là justement que se rend votre ambassade. Pour vous, cela ne fait
point de différence.
    — Certes non, fut obligé de
répondre Valois.
    Mais l’arrangement était loin de
combler ses vœux, lui rendant difficile, sinon même impossible, de puiser dans
le prêt pour ses propres nécessités. Voyant Valois se rembrunir, Tolomei poussa
le fer plus avant.
    — Vous offrirez la garantie du
Trésor ; mais chacun sait, chez nous en tout cas, que le Trésor est vide,
et ces bruits-là vont vite à courir entre les comptoirs de banque. Je devrai
donc engager ma propre garantie, et le ferai de grand cœur, Monseigneur, pour
vous servir. Mais il sera nécessaire qu’un homme de ma compagnie, porteur des
lettres de change, escorte votre envoyé afin de prendre l’argent en charge et
d’en être comptable.
    Valois se renfrognait de plus en
plus.
    — Eh ! Monseigneur !
dit Tolomei, c’est que je ne vais point agir seul en cette affaire ; les
compagnies d’Italie sont encore plus méfiantes que les nôtres, et j’ai besoin
de leur donner toute assurance qu’elles ne seront point bernées.
    En vérité, il voulait avoir un
émissaire dans l’expédition, un émissaire qui allait, en son nom et pour son
compte, espionner l’ambassadeur, contrôler l’emploi des fonds, se faire
instruire des projets d’alliance, connaître les dispositions des cardinaux, et
travailler en sous-main dans le sens qu’il lui commanderait. Messer Spinello
Tolomei régnait déjà, un tout petit peu.
    Robert d’Artois avait dit à Valois
que le Siennois exigerait un gage ; ils n’avaient pas pensé que le gage,
ce pouvait être un morceau du pouvoir.
    Force était à l’oncle du roi, et
pour satisfaire celui-ci, d’en passer par les conditions du banquier.
    — Et qui donc allez-vous
désigner, qui ne fasse point mauvaise figure auprès de messire de
Bouville ? demanda Valois.
    — Je vais y penser,
Monseigneur, je vais y penser. Je n’ai guère de monde en ce moment. Mes deux
meilleurs voyageurs sont sur les routes… Quand donc messire de Bouville
devrait-il partir ?
    — Mais demain, s’il se peut, ou
le jour d’après.
    — Et ce garçon, suggéra Robert
d’Artois, qui était allé pour moi en Angleterre…
    — Mon neveu Guccio ? dit
Tolomei.
    — C’est cela même, votre neveu.
Vous l’avez toujours auprès de vous ?… Eh bien ! Que ne
l’envoyez-vous ? Il est fin, délié d’esprit, et il a bonne tournure. Il
aidera notre ami Bouville, qui ne doit guère parler le langage d’Italie, à se
débrouiller sur les chemins. Soyez rassuré, mon cousin, ajouta d’Artois
s’adressant à Valois ; ce garçon-là est de bonne recrue.
    — Il va fort me manquer ici,
dit Tolomei. Mais soit, Monseigneur, je vous l’abandonne. Il est dit que vous
obtiendrez toujours de moi tout ce que vous souhaitez.
    Bientôt après il prit congé.
    Dès que Tolomei fut sorti du cabinet,
Robert d’Artois s’étira un grand coup, et dit :
    — Eh bien, Charles, m’étais-je
trompé ?
    Comme tout emprunteur après une
négociation de cette nature, Valois était à la fois content et mécontent ;
et il se composa une attitude qui ne montrât trop ni son soulagement ni son
dépit. S’arrêtant à son tour devant le pied de Saint Louis, il dit :
    — C’est cela, voyez-vous
cousin, c’est la vue de cette sainte relique qui a décidé votre homme. Allons,
tout respect de ce qui est noble n’est point perdu en France, et ce royaume
peut être redressé !
    — Un miracle, en quelque sorte,
dit le géant en clignant de l’œil.
    Ils réclamèrent leurs manteaux et
leurs escortes pour aller porter au roi la bonne nouvelle du départ de
l’ambassade.
    Dans le

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