Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
Vom Netzwerk:
les deux grands barons, et
pensait : « Si l’on voulait m’offrir la gérance du Trésor, on ne me
ferait point tant de compliments. »
    — Que puis-je pour votre
service, Monseigneur ? demanda-t-il en se tournant vers Valois.
    — Eh mais ! Ce que peut un
banquier, messer Tolomei ! répondit l’oncle du roi avec cette belle
arrogance qu’il avait lorsqu’il s’apprêtait à demander de l’argent.
    — Je l’entends bien ainsi,
Monseigneur. Avez-vous des fonds à placer en bonnes marchandises qui doubleront
de prix dans les six mois à venir ? Désirez-vous quelques parts dans le
commerce de navigation qui se développe fort en ce moment où l’on doit apporter
par mer tant de choses qui manquent ? Voilà de tels services que j’aurais
honneur à vous rendre.
    — Non, il ne s’agit point de
cela, dit vivement Valois.
    — Je le déplore,
Monseigneur ; je le déplore pour vous. Les meilleurs gains se font par
temps de pénurie…
    — Ce que je souhaite,
présentement, c’est que vous m’avanciez un peu d’argent frais… pour le Trésor.
    Tolomei prit une mine désolée.
    — Ah ! Monseigneur, ne
doutez point du désir que j’ai de vous obliger ; mais voilà bien la seule
chose en quoi je ne puis vous satisfaire. Nos compagnies ont été fort saignées,
ces mois derniers. Nous avons dû consentir au Trésor un gros prêt, qui ne nous
rapporte rien, pour solder le coût de la guerre de-Flandre…
    — Cela, c’était l’affaire de
Marigny.
    — Certes, Monseigneur, mais
c’était notre argent. De ce fait nos coffres sont un peu rouillés aux serrures.
À combien se monte votre besoin ?
    — Dix mille livres.
    Dans ce chiffre, Valois avait
calculé cinq mille livres pour l’ambassade de Bouville, mille pour Robert
d’Artois, et le reste pour faire face à ses propres embarras les plus
pressants.
    Le banquier joignit les mains devant
son visage.
    — Sainte Madone ! Mais où
les trouverais-je ? s’écria-t-il.
    Ces protestations devaient
s’entendre comme préliminaires d’usage.
    D’Artois en avait prévenu Valois.
Aussi ce dernier prit-il le ton d’autorité qui généralement en imposait à ses
interlocuteurs.
    — Allons, allons, messer
Tolomei ! Ne rusons point, ni ne musons. Je vous ai mandé pour que vous
fassiez votre métier, comme vous l’avez toujours exercé, avec profit, je pense.
    — Mon métier, Monseigneur,
répondit tranquillement Tolomei, mon métier est de prêter, il n’est point de
donner. Or, depuis quelque temps, j’ai beaucoup donné, sans retour aucun. Je ne
fabrique point de monnaie et n’ai pas inventé la pierre philosophale.
    — Ne m’aiderez-vous donc point
à vous débarrasser de Marigny ? C’est votre intérêt, il me semble !
    — Monseigneur, payer tribut à
son ennemi lorsqu’il est puissant, et puis payer encore pour qu’il ne le soit
plus, est une double opération qui, vous en conviendrez, ne rapporte guère. Au
moins faudrait-il savoir ce qui va suivre, et si l’on a chance de se rattraper.
    Charles de Valois aussitôt entonna
le grand couplet qu’il récitait à tout venant depuis huit jours. Il allait, pour
peu qu’on lui en procurât les moyens, supprimer toutes les
« novelletés » introduites par Marigny et ses légistes
bourgeois ; il allait rendre l’autorité aux grands barons ; il allait
rétablir la prospérité dans le royaume en revenant au vieux droit féodal qui
avait fait la grandeur du pays de France. Il allait restaurer
« l’ordre ». Comme tous les brouillons politiques, il n’avait que ce
mot à la bouche, et ne lui donnait d’autre contenu que les lois, les souvenirs
ou les illusions du passé.
    — Avant longtemps, je vous
assure qu’on sera retourné aux bonnes coutumes de mon aïeul Saint Louis !
    Ce disant il montrait, posé sur une
sorte d’autel, un reliquaire en forme de pied et qui contenait un os du talon
de son grand-père ; ce pied était d’argent avec des ongles d’or.
    Car les restes du saint roi avaient
été partagés, chaque membre de la famille, chaque chapelle royale voulant en
garder une parcelle. La partie supérieure du crâne était conservée dans un beau
buste d’orfèvrerie à la Sainte-Chapelle ; la comtesse Mahaut d’Artois,
dans son château de Hesdin, possédait quelques cheveux ainsi qu’un fragment de
mâchoire ; et tant de phalanges, d’esquilles, de débris avaient été ainsi
répartis qu’on pouvait se demander ce que contenait

Weitere Kostenlose Bücher