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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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pour lui obtenir cette faveur semblaient parfaitement insondables aujourd’hui. « Je lui ai demandé si Amparo était obligée de rester dans cette splendide théocratie.
    – Et ?
    – Amparo est libre de faire ce qui lui plaira.
    – Eh bien voilà de bonnes nouvelles, dit Bors. Tout le monde est content, semble-t-il, et tu peux partir avec la conscience tranquille et une fille splendide à ton bras. »
    Tannhauser se renfrogna. « Si je devais entendre un jour la voix de Dieu, aujourd’hui serait le jour parfait.
    – Donc, tu n’es pas content. »
    Tannhauser regarda l’autre côté de la baie. Saint-Elme avait été flagellé par les tireurs d’élite et émietté par la canonnade depuis les premières lueurs de l’aube. Ici et là, les reflets rosâtres du couchant faisaient luire des casques et des armures dans les nuées de poussière. Quelque part dans ces ruines, Orlandu di Borgo avait son premier avant-goût de la guerre ; s’il avait survécu à cette journée.
    « Cela ne me convient pas de laisser une chose inachevée, dit Tannhauser. Et de voir mes projets contrariés à la dernière minute.
    – Tu as déjà pris des raclées. Ces bleus finiront par s’effacer.
    – La cervelle du gamin était pleine de mythes néfastes.
    – On a parlé d’armes et de choses comme ça. Est-ce un crime ? » Bors renifla, puis leva l’outre et la rabaissa sans y boire. « De quoi d’autre aurions-nous pu parler ? Du prix du poivre ?
    – C’est un enfant. S’il ne meurt pas, ils vont le ramener estropié. D’un côté comme de l’autre, il ne sera jamais ce qu’il aurait pu être. Il ne fera jamais les choses qu’il aurait pu faire. Il ne connaîtra jamais les choses qu’il aurait pu connaître.
    – Ainsi va la vie. » Bors leva à nouveau l’outre et en but une longue rasade.
    « On lui aura volé ses droits de naissance avant qu’il ait eu la chance d’en profiter. Comme pour toi et pour moi.
    – Nous ? » dit Bors en s’étranglant presque. Il s’essuya les lèvres. « Ne sommes-nous pas debout ?
    – Seulement au milieu des singes.
    – Cette guerre est certainement justifiée, même si je te concède que d’autres ne le sont pas. Nous ne pouvons pas laisser une horde de barbares graisseux nous forcer à étaler nos visages dans la boue en vomissant leur charabia la tête tournée vers La Mecque. Regarde ce qu’ils t’ont fait.
    – Quand tu sauras que les hommes peuvent être dressés comme des chiens à croire et faire n’importe quoi, dit Tannhauser, vraiment n’importe quoi, cela te fera apprécier ton propre conseil, et te rendra soupçonneux face à tout autre.
    – Allez, souris, mon vieux, et abandonne cette philosophie lugubre. Cela n’y changera rien. De plus, tu aimes tuer. Tout comme moi. Et c’est une bonne chose aussi car, sans tueurs, il n’y aurait pas de guerre, et sans guerre… » Il s’arrêta car sa pensée s’égarait droit vers le sol. « Eh bien, voilà, sans guerre, nous ne saurions pas de quoi parler. Du tout. »
    Tannhauser prit l’outre et avala une gorgée. Il fixait la mer entre ses pieds. L’idée de sauter lui fit tourner la tête. Il existait d’autres sauts, tout aussi absolus. Peut-être même encore plus absolus. Il releva les yeux vers le fort Saint-Elme de l’autre côté de la baie.
    « Donc, dit Bors qui le connaissait trop bien, tu as décidé d’aller dans le chaudron et de ramener le garçon ? »
    Tannhauser ne répondit pas.
    « Si tu veux mon avis, dit Bors, c’est la voix de Dieu.
    – Quand il fera nuit noire, Mustapha a décidé d’attaquer les brèches en force, dit Tannhauser. Une attaque de nuit par les Turcs, c’est vraiment quelque chose à voir.
    – Alors laisse-moi le ramener pour toi », dit Bors.
    Tannhauser se mit à rire. « Je ne vous reverrais plus, ni l’un ni l’autre.
    – Tu doutes de ma bonne foi ?
    – Jamais. Mais il règne là-bas une rage qu’on ne peut même pas imaginer d’ici, et tu es trop enclin à la saisir et à délirer. Même moi je crains sa séduction.
    – Alors, emmène-moi avec toi. Laisse-moi goûter à ce calice, et je te ramènerai à Venise en ramant moi-même. »
    Tannhauser quitta l’embrasure du créneau et réussit à se lever sans plonger vers sa mort. Il regarda vers l’est, de l’autre côté de la baie de Bighi. Dans le crépuscule qui s’épaississait, la pointe aux Potences était une ruche turque

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