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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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En travers de cette crête déchiquetée, une immense foule d’hommes combattaient comme des animaux enragés pour la possession d’un tas de pierres. Et malgré ses plus fervents efforts pour suivre en paix son chemin, en ignorant l’appel de la bête, Tannhauser se retrouva lui-même, une fois de plus, au fond de son antre.

LUNDI 11 JUIN 1565
    La tranchée – L’enceinte – La chaussée
    COMME UNE ESCARBILLE de vie migrante dans une forêt primitive, Orlandu se faufilait et rampait à travers le hallier de demi-piques et les buissons de hallebardes qui emplissaient l’étroit espace entre le front et la seconde ligne des défenseurs. En frayant son chemin le long de cette espèce de tranchée à moitié remplie de gravats et qui était, comme lui, couverte d’un compost puant de pisse, vomi, entrailles, merde et sang répandu, son esprit était totalement occupé à la tâche de trouver le prochain misérable endroit où poser les pieds pour poursuivre son avance. Il n’avait pas cette faculté supplémentaire qui lui aurait permis d’observer la progression du combat, et encore moins de se soucier de son issue. Il avait l’impression que sa tête était l’intérieur d’une cloche d’alarme. Son propre vomi collait au cuir de sa cuirasse, à son menton, et avait déjà été mélangé à la pâte fétide sur laquelle il marchait. Son anus luttait douloureusement pour s’ouvrir, même si, avant de rejoindre la bataille, il s’était vidé de tout, sauf d’un mucus liquide. Son corps n’était plus qu’une masse de bleus tatoués par les talons des bottes, les hampes des lances et les coudes qui punissaient son passage. Quand il devait enjamber ceux qui étaient tombés ou morts, il ne les voyait que comme des obstacles, et plus comme des hommes. S’il ressentait la terreur, c’était comme le poisson doit percevoir la mer, une immersion si absolue qu’il n’en avait même pas conscience. C’était sa troisième incursion dans le tunnel de bois et d’acier ; et le travail ne devenait pas plus facile.
    Un doigt répétitif s’enfonçait dans ses côtes, mais il était si insensible à de telles insultes que la main dut le saisir par le cou et le soulever de terre. Il se retrouva face à un large visage barbu qui lui hurlait dessus, sous un casque édenté, les yeux démoniaques à la lueur des flammes, et il resta bouche bée d’incompréhension totale. Le  tercio pointa son doigt vers le bas et Orlandu, bouche grande ouverte et haletant dans l’air suffocant et ammoniaqué, se tourna et regarda. Le baquet qu’il traînait derrière lui par sa corde était vide. Le  tercio cracha dedans pour marquer son dégoût et se remit à crier. Orlandu se leva et changea de direction, trop ébloui pour ressentir ni offense pour l’invective, ni gratitude pour le répit. Le  tercio lui flanqua un coup de pied au cul et il se courba à nouveau pour prendre sa place dans les rangs de ceux qui quittaient la brèche pour regagner l’arrière.
    Tous les avertissements quant aux tireurs d’élite étaient oubliés depuis longtemps.
    Comme une créature venant juste d’apprendre à marcher sur ses pattes arrière, il traversa la surface dévastée de la cour. La bassine vide rebondissait bon gré mal gré derrière lui. À la porte de ce qui avait été les écuries, dans la pointe maritime du mur le plus à l’est, il s’arrêta et lâcha la bassine pour s’affaler contre un mur. Son casque, rempli de toile pour le rendre à sa taille, glissa de sa tête et il le laissa là où il était tombé pour ôter la toile trempée qui lui couvrait encore le crâne. Il essora une demi-pinte de sueur et s’essuya le visage. Ses yeux le piquaient et quelque chose d’infantile surgit en lui, sa poitrine se secoua et il se rendit compte qu’il allait pleurer, pas de tristesse, ni de peur, ni même de soulagement, mais comme sanglote un enfant, d’un ahurissement et d’une impuissance sans limites. Avant qu’il ne s’y laisse aller, une sorte d’instinct contraire s’éleva, tout aussi inattendu, fit reculer l’enfant, et Orlandu serra les dents et reprit son souffle.
    Pour le Christ et le Baptiste. Pour la Religion et ses compatriotes. Pour Malte. Il reprit ses esprits. Il enroula la toile mouillée autour de sa tête et remit son casque. Il traîna la bassine vide dans les écuries, qui servaient désormais d’intendance. Le cuisinier, Stromboli, leva le nez de ses

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