La Revanche de Blanche
doux, la flatter, pour la piéger, au moment où elle s’y attendra le moins.
De crainte qu’Athénaïs ne se venge, Blanche décide de ne pas dévoiler la confidence de Lauzun. La marquise serait capable de tout. Dans sa chambre tapissée de ramages, elle laisse sa main errer entre ses cuisses en pensant à Charles. Dehors, la neige tombe drue. Minuit sonne à la petite horloge dorée de sa cheminée de marbre. En chemise, cheveux lâchés, Athénaïs déboule, s’affale sur le lit :
— Le roi a trop d’empressement. Il m’a épuisée. Je parie qu’il est allé rendre visite à Aglaé. Cette fille médit sur tout le monde, surtout sur toi.
Assise en tailleur, un coussin sur le ventre, Blanche avale ses joues :
— Que manigance-t-elle encore ?
— Hier, pendant que nous observions des pies, elle a dit des horreurs sur ta mère. Je n’ose pas te les rapporter.
— Tu peux. Je suis prête.
— Ne t’emporte pas. Elle a fait croire au roi qu’Émilie avait sali l’honneur des Bouillon.
Les yeux écarquillés, Blanche cogne dans son oreiller :
— La bougresse ! A-t-il réagi ?
— Il n’a rien laissé paraître… insinue Athénaïs.
Blanche se hisse sur la pointe des pieds, lève les bras, déclare :
— Je vengerai ma mère. Avec mes armes. Sur la scène ! Les Bouillon et les vieilles biques s’en mordront les doigts.
Athénaïs applaudit et s’endort à ses côtés en ronronnant.
Le lendemain, la neige a blanchi le parc, les arbres et les toits. Le roi ne change rien à son programme. La chasse est sacrée. Les dames se plieront. Emmitouflée dans un manteau à col de fourrure, Blanche galope à travers champs. Dans ses mains gantées, ses doigts gercés la brûlent. Autour d’elle, on tire le faisan, la perdrix, le lièvre. À midi, le roi décide d’une halte dans un sous-bois. Athénaïs, Aglaé et la Grande Mademoiselle se réchauffent autour d’un feu. En attendant le repas, Blanche longe un sentier sablonneux, s’assied sur un tronc. Un rayon de soleil éclaire la cime d’un sapin. Un cavalier trotte vers elle, calme et droit. Le roi saute à terre, soulève son chapeau :
— Nous vous remercions d’être venue. Vous illuminez nos nuits, ma belle. Comment se porte la petite Marquise ? J’ai ouï-dire qu’elle était vive et gaie.
Étonnée de l’intérêt qu’il porte à sa fille, Blanche s’ouvre à lui :
— Marquise fait mon bonheur ; je souhaite qu’elle fasse le vôtre un jour.
— Nous serions contents de la connaître, susurre Louis en caressant la joue de Blanche.
— Ce serait un honneur, Majesté.
Le roi sent la sueur, son nez goutte. Il se mouche, entoure les épaules de Blanche. L’embrasse d’un baiser profond. Sa longue langue a le goût de l’ail :
— Il me tarde de vous tenir dans mes bras, petite mère.
Il grimpe sur sa monture, rejoint la compagnie. Blanche arrache une écorce du sapin. Avec un petit couteau, elle y grave ses initiales entrelacées à celles de Charles.
Le roi a l’humeur changeante. Pas un mot pendant le souper qui clôt la chasse.
Le jour de Pâques, un mouton à la broche garni de flageolets est servi dans la grande salle à manger. Blanche tente de converser avec Louise qui semble ailleurs, souffrante. Se plie, vomit en un jet son repas sur les escarpins à talons de Monsieur. Deux valets se précipitent, la portent dans sa chambre. Un médecin la saigne. Elle se signe. Blanche lui assure qu’elle va guérir. Louise implore le Seigneur de l’enlever. Athénaïs se jette au pied de son lit, baise ses mains, la supplie de lutter contre le mal qui la terrasse. Étonnée par cet excès de bonté, Blanche se demande si la Montespan n’aurait pas quelque chose à se faire pardonner. Elle n’arrive pas à croire que les douleurs de Louise ne sont dues qu’au mouton…
Louise rétablie, la « petite mère » n’aspire qu’à retrouver Marquise. Dahuh devrait arriver dans quelques jours. Athénaïs a beau insister pour qu’elle lui tienne compagnie, Blanche prétexte des répétitions.
Sur la route bordée de pousses vertes et d’arbres en fleurs, elle songe à Louis, à son baiser, à sa distance inattendue. Il a peur d’Athénaïs et de la reine, se dit-elle, convaincue qu’il la protégera si elle reste à sa place, discrète.
Le lendemain de son arrivée, Blanche s’invite au cinq-à-neuf de Ninon. Allongée sur le lit de la courtisane, bouclettes sur le front,
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