La Révolution et la Guerre d’Espagne
Téry, José Miaja ne s’est jamais signalé par un
républicanisme ardent : il a même fait partie, avant la guerre, de l’Union
militaire espagnole. Ministre de la Guerre dans l’éphémère gouvernement de
conciliation Martinez Barrio – un choix en lui-même significatif – il a refusé
ce poste dans le gouvernement Giral, mais s’est mis à son service. C’est lui
qui a dirigé l’expédition qui a repris Albacète. Nous l’avons vu, exilé à Valence,
y subir les affronts du lieutenant José Benedito. De là, il a été envoyé pour
commander le front d’Andalousie : il y a été accusé de « sabotage » par
certains de ses hommes et Largo Caballero l’a muté à Madrid le 24 octobre [214] . Quels qu’aient
été les véritables motifs de cette nomination, il est exclu qu’elle ait été,
comme certains l’ont dit, « imposée » ou « suggérée » par le parti
communiste avec lequel Miaja n’a, à cette époque, encore aucun lien
particulier.
Le décret qui lui confie le commandement [215] le charge aussi
de représenter le gouvernement dans la « Junte de défense chargée d’organiser
et de contrôler la défense de la capitale » dont la formation a été décidée
aussi par le Conseil des ministres du 6 novembre. Née d’un décret
gouvernemental, présidée par un délégué du gouvernement, constituée de
représentants de tous les partis et syndicats qui le soutiennent, la Junte de
défense de Madrid n’est cependant ni une simple commission consultative, ni un
organisme gouvernemental annexe. Placée à la tête de la capitale au moment où
le départ du gouvernement laisse en fait l’initiative à ceux qui veulent se
battre, la Junte, par son langage, par ses méthodes, sera un véritable
gouvernement révolutionnaire.
Révolutionnaire, elle l’est d’abord par sa composition. Le
général Miaja avait, semble-il, d’abord songé à faire appel à des hommes du
Commissariat puisque tous les partis y sont représentés : mais la plupart
des « personnalités » ont quitté Madrid avec le gouvernement. Il fera donc
appel à des inconnus. Militaire de carrière, de tempérament, de mentalité,
attaché à l’organisation, à la discipline, à l’efficacité, il va tout
naturellement s’appuyer sur le 5 ème régiment que Mije met aussitôt à
sa disposition et avec lequel Checa, secrétaire du P.C., assurera la liaison.
Le 7 novembre, au soir la Junte est constituée: ses membres sont si jeunes –
presque tous ont moins de trente ans – qu’on les surnommera les « gosses de
Miaja ». Par l’intermédiaire de la représentation de l’U.G.T. et de la J.S.U. s’ajoutant
à la sienne, par l’importance des postes qu’il occupe, le parti communiste la
contrôle [216] .
La défense de Madrid devient l’affaire du parti communiste,
l’affaire de l’Internationale communiste, l’affaire de la Russie soviétique.
Leur prestige et leur autorité sont engagés dans cette bataille. Jamais encore,
dans toute la guerre d’Espagne, les communistes n’avaient apporté au combat
autant d’acharnement. Jamais les Russes ne referont l’effort qu’ils
consentirent pour Madrid en novembre 36.
C’est vers elle que convergent en effet, courant octobre,
puis en novembre et décembre, les envois de matériel fourni par les Russes ou
acheté par leur intermédiaire. Les défenseurs de Madrid auront des fusils, des
grenades, des mitrailleuses, des tanks, des avions, des canons, des munitions,
Petit à petit, c’est une armée moderne, mise sur pied au cours même des
combats, qui fait front devant la capitale. Elle a des chefs, familiarisés avec
toutes les techniques modernes, dont les capacités dépassent largement celles des
rares officiers fidèles. Déjà Rosenberg avait amené avec lui un groupe d’officiers
qui ont aidé au développement du 5 ème régiment. Un deuxième groupe,
plus important, de militaires russes, arrive aux environs du 20 octobre ;
on ne les connaît que par leurs pseudonymes, mais leur rôle est incontestable
et, vraisemblablement plus important que celui de Miaja et Rojo. C’est Goriev
qui dirige l’état-major et sera le véritable organisateur de la défense. C’est
« Pavlov » qui commande les unités blindées, « Douglas » qui commande une
aviation autrement puissante et efficace que l’héroïque escadrille d’André
Malraux [217] .
C’est Michel Koltsov enfin, dont les compétences militaires sont indéniables et
qui est en même
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