La Révolution et la Guerre d’Espagne
leurs
effectifs. Le centre des combats se déplace alors vers le Bas Carabanchel, où
les Marocains attaquent maison par maison un quartier dont la défense est
organisée par les guérilleros du Campesino. Miaja et Rojo ont mis à
profit ce sursis pour repartir leurs troupes, une quarantaine de milliers d’hommes
que viennent renforcer des colonnes catalanes et valenciennes, sur un front
continu de 16 kilomètres, et établir un premier réseau de fortifications et de
tranchées. Le 12, l’état-major républicain lance une contre-attaque contre le
Cerro de los Angeles. Elle échoue mais contribue à desserrer quelque peu l’étreinte.
Le 14, les 3 500 hommes de la colonne Durruti arrivent
du front d’Aragon. La foule madrilène leur fait un accueil triomphal. Durruti
réclame le secteur le plus dangereux. On lui confie celui de la Casa de Campo,
en face de la Cité universitaire. L’état-major lui délègue un officier, le
Russe « Santi », pour le conseiller. Les Catalans, d’abord surpris,
car la guerre de Madrid ne ressemble pas à celle qu’ils ont connue, se battront
courageusement, pas assez cependant au goût de leur chef, qui leur reproche d’avoir
fléchi à plusieurs reprises.
Le 15, en effet, c’est dans son secteur que commence la
grande attaque : la colonne Yagüe, appuyée par canons et mortiers qui pilonnent
les retranchements républicains au bord du Manzanares, lance assaut sur assaut,
tandis que les bombardiers allemands de la légion Condor écrasent la Cité
universitaire et le parc de l’Ouest. En fin d’après-midi la colonne Asensio
réussit à percer, prend pied dans la Cité universitaire que la 11 ème brigade internationale lui dispute aussitôt. On se bat maison par maison, étage
par étage. Louis Delaprée raconte : « On se fusille à bout portant, on s’égorge
de palier à palier entre voisins... Dans certaines maisons, les assaillants
occupent le rez-de-chaussée et les gouvernementaux le premier étage... Ils s’injurient
par le tuyau de la cheminée pour tuer le temps » [225] .
A l’hôpital clinique, les miliciens envoient aux Marocains
du rez-de-chaussée, l’ascenseur de service bourré de grenades. Les dinamiteros asturiens sont partout, lançant leurs terribles petites cartouches, sapant,
ruinant. Du 17 au 20 novembre les assaillants progressent encore quelque peu,
au prix de pertes énormes. Le 21, Durruti est tué, dans la Cité universitaire 15bis ,vraisemblablement par
un des hommes de sa colonne qui lui reprochent les risques qu’il leur a fait
courir ou la discipline qu’il leur impose sous ce feu d’enfer. Ses funérailles
seront l’occasion de grandes démonstrations d’unité « antifasciste ». Mais
c’est le jour même de sa mort que la 11 ème brigade internationale,
sous Kléber et Hans, contre-attaque victorieusement dans la Cité où lefront,
désormais, ne bougera plus guère. Le lendemain, la 12 ème , appuyée
par des carabiniers, contre-attaque à son tour, au nord de l’hippodrome,
reprenant, maison par maison, le terrain perdu. Quand les objectifs sont
atteints, à la fin novembre, on la relève: elle a perdu la moitié de ses
effectifs.
Mais le miracle s’est produit. Madrid n’est pas tombée. On
peut commencer à croire possible ce qu’affirment les fanatiques et les
propagandistes, qu’elle sera « la tombe du fascisme ».
La terreur des raids aériens
Face à la résistance inattendue de Madrid, le commandement
nationaliste s’exaspère. Il veut, coûte que coûte, arracher la victoire. Après
avoir proclamé qu’il ne bombardera jamais la population civile, Franco se
décide finalement, suivant l’expression du chef de son aviation, à
« essayer une action pour démoraliser la population par des bombardements
aériens » [226] .
Il compte que le moral madrilène, soumis à rude épreuve par les combats et la
disette – il y a des queues immenses pour le moindre produit alimentaire – s’effondrera
sous les bombes. Le 23, le 24, le 30 octobre ont lieu les premières attaques. C’est
pourtant seulement le 4 novembre que se produit le premier bombardement
véritable. On compte 350 victimes après les nuits du 8 et du 9. Les 10, 11 et
12, des maisons brûlent ; le 15, l’hôpital du Cuatro Caminos est bombardé.
A partir du 16 commence le « massacre méthodique de la population civile » [227] . Le raid de
cette nuit-là fait, selon Colodny, plus de 5 000 victimes. Toute la ville
semble brûler à
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