La Révolution et la Guerre d’Espagne
temps un véritable dirigeant politique, ses fonctions
officielles d’envoyé spécial de la Pravda lui permettant de garder un
contact direct avec Staline et Vorochilov. Des communistes étrangers formés à
Moscou jouent également un rôle militaire de premier plan : à côté de
Carlos Contreras, déjà cité, il faut faire une place à part à Miguel Martinez,
qui est à la tête du commissariat de l’armée de Madrid [218] .
C’est enfin au moment de l’assaut décisif qu’apparaissent
sur le front les premières brigades internationales : selon Colodny, ce
sont, au total, 8 500 hommes des 11 ème et 12 ème brigades
qui participent, autour de la capitale, aux combats de novembre et décembre,
après le défilé impeccable des 3 500 soldats de la 11 ème dans
la Gran Via, sous les cris enthousiastes de « Vivan los Rusos ». Avec
elles arrivent des chefs compétents, le général Kléber, dont la popularité
éclipsera celle de Miaja, Lukacz, Hans. Ce sont des troupes de choc et dans la
Casa de Campo, au soir du 8 novembre, on dispersera leurs hommes sur la ligne
de feu, dans la proportion d’un International pour cinq Espagnols : ils
donneront des exemples pratiques d’utilisation des armes et des abris. Surtout,
ces volontaires étrangers sont souvent des hommes qui ont connu des années de
vie militante très dure, les grèves, les bagarres de rue, la clandestinité, la
prison et souvent la torture, le bagne, la misère de l’émigration. Colodny dit
des Allemands des bataillons Thälmann et Edgar André qu’ils
étaient des « hommes indestructibles » [219] . Ils constituent
en tout cas, avec leur foi révolutionnaire, leur esprit de sacrifice et leur
discipline de fer, une troupe de choc irremplaçable et prestigieuse dont les
actions d’éclat vaudront autant par leur efficacité directe que par leur force
de rayonnement et d’exemple sur leurs camarades espagnols.
Les méthodes de la junte
Avec l’arrivée de révolutionnaires de tous les pays d’Europe,
avec celle des conseillers militaires russes, Madrid connaît une atmosphère d’épopée
révolutionnaire inspirée par la propagande de l’exemple de l’Octobre russe.
« Il faut défendre Madrid comme Pétrograd », proclament d’immenses
affiches du P.C. : la foule des Madrilènes qui se presse pour applaudir Les
marins de Cronstadt, Tchapaïev ou Le cuirassé Potemkine arrivés avec
Rosenberg et qui passent sur tous les écrans de Madrid, renoue directement, par
ce spectacle, avec la tradition de la révolution russe qu’elle croit revivre.
La Pasionaria, de noir vêtue, et qui semble l’incarnation de la révolution
ouvrière, organise les manifestations de masse des femmes madrilènes qui
impressionneront si fortement tous les témoins du drame et qui scandent des
mots d’ordre brefs et héroïques, à l’espagnole : « Mieux vaut mourir
debout que de vivre à genoux. » ; « Mieux vaut être la veuve d’un
héros que la femme d’un lâche. » Il faut, pour défendre Madrid, galvaniser
ses défenseurs. La Junta le sait : ici, point de discours sur la
« légalité » du gouvernement, le « respect de l’ordre et de la
propriété ». Elle n’hésite pas à s’adresser aux « travailleurs » de
Madrid pour glorifier la « révolution prolétarienne » qu’ils sont en train
d’accomplir [220] .
Pour la défense de Madrid, la Junte utilise les méthodes
révolutionnaires qu’ont préconisées ailleurs, à Irun, SaintSébastien, les gens
de la C.N.T. et du P.O.U.M. : armement du peuple, toute-puissance des Comités,
action des masses, justice révolutionnaire sommaire. Le 9 novembre, on voit
monter au front des colonnes d’ouvriers sans armes, désignés par les syndicats
pour se rendre sur la ligne de feu et ramasser les armes des combattants tués
ou blessés. Les Maisons du Peuple et les Athénées libertaires sont des centres
de mobilisation ; les barricades se dressent dans toutes les rues des
faubourgs menacés : « Femmes et enfants, écrit Colodny, formaient une
chaîne vivante et passaient les pierres de Madrid aux maçons qui élevaient les
murs symboliques, militairement sans intérêt, mais psychologiquement
invincibles, qui attendaient l’offensive... de Varela.» Des Comités de
quartiers, de maisons, d’îlots, sont constitués qui prennent en mains les
tâches immédiates de la défense, la vigilance antiaérienne, la surveillance des
suspects. Le 5 ème régiment lui-même
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