La Révolution et la Guerre d’Espagne
novembre, dans une note à la presse, le consul général de l’U.R.S.S. à
Barcelone, Antonov Ovseenko, n’hésite pas à intervenir dans la politique
intérieure de l’Espagne républicaine, dénonçant en la Batalla, « la
presse vendue au fascisme international ». C’est cette affaire qui amènera une
crise ministérielle en Catalogne, et, finalement, l’exclusion du P.O.U.M. du
Conseil de la Généralité. Le commentaire, dans la Pravda du 17 décembre,
de cet événement, venant après les premiers procès de Moscou, constitue une
menace non déguisée : « En Catalogne, l’élimination des trotskystes et des
anarcho-syndicalistes a déjà commencé ; elle sera conduite avec la même
énergie qu’en U.R.S.S. »
Bilan de cette restauration
Il y a d’ailleurs, dans le tableau, bien d’autres ombres
inquiétantes. La dualité de pouvoir a certes disparu, mais, dans bien des cas,
elle a fait place à une administration multiple dont les organes se
contrecarrent ou se gênent mutuellement. Le cas de Malaga n’est pas une exception,
où subsistent côte à côte les pouvoirs fantômes du gouverneur Arraiz et du
Comité, la seule autorité réelle étant celle de militaires incapables de
comprendre et de diriger leurs troupes ouvrières et paysannes. Les
inconvénients que présentaient des centaines d’organismes policiers de village
ont disparu avec la réorganisation de la police, mais force est bien de
constater avec Borkenau qu’a disparu avec eux « l’intérêt passionné du
village pour la guerre civile ». Le libertaire italien Bertoni écrit du
front d’Huesca : « La guerre d’Espagne, dépouillée de toute foi nouvelle,
de toute idée de transformation sociale, de toute grandeur révolutionnaire...
reste une terrible question de vie ou de mort, mais n’est plus une guerre d’affirmation
d’un nouveau régime et d’une nouvelle humanité » [210] .
C’est pourtant à ce moment que se déroule la bataille de
Madrid : guerre moderne où s’affrontent deux armées organisées, où s’opposent
avions, canons et blindés, guerre révolutionnaire aussi où le moral des combattants
réalise ce qui est techniquement impossible, où le peuple en armes tient tête à
deux des plus grandes puissances militaires de l’Europe. Les batailles de
Madrid et Guadalajara, les seules grandes victoires républicaines de cette
guerre, se situent en plein tournant : l’organisation et la discipline n’avaient
pas tué l’enthousiasme et la foi, l’enthousiasme et la foi s’appuyaient sur la
discipline et l’organisation, sur les armes aussi, sans lesquelles il n’est pas
de cause qui puisse triompher, quels que soient les sacrifices qu’elle ait été
capable de susciter.
Madrid : no pasaran !
Le 28 septembre 1936, les dernières résistances s’éteignent
dans Tolède avec l’extermination des groupes de miliciens de la C.N.T. qui
tenaient l’hôpital. Un nouveau chapitre s’ouvre, celui de la bataille pour la
capitale. Aux yeux des chefs nationalistes, ce doit être le dernier : la chute
de Madrid donnera le signal de l’effondrement républicain. Aucun d’entre eux n’envisage
un instant une résistance sérieuse de la part des milices. La plupart des
observateurs étrangers partagent ce point de vue : les milieux
diplomatiques se préparent à la chute de la capitale qui, aux yeux de Rome et
Berlin, devra changer la situation juridique de l’Espagne et permettre la
reconnaissance du gouvernement de Franco.
Les généraux rebelles estiment qu’ils pourront faire leur
entrée dans Madrid pour la Fête de la Race, le 12 octobre [211] . C’est le
général Varela qui commande l’armée assaillante : 20 000 soldats de
métier, Maures et légionnaires, aguerris, disciplinés, confiants, persuadés qu’ils
ne vont rencontrer aucune résistance. L’offensive se déroule d’abord suivant le
plan prévu : la colonne qui remonte la vallée du Tage opère sa jonction,
le 10 octobre, avec le corps d’armée de Davila qui vient de la Sierra. Elle n’a
rencontré d’autre résistance que le harcèlement des milices du Levante que
commandent Uribarri et Bayo, action de guérilla insuffisante pour enrayer l’avance
d’une armée moderne qui ne se heurte à aucune opposition dans ses attaques
frontales. En trois jours, les assaillants progressent de 27 kilomètres ;
entre Chapineria, prise le 15, Navalcarnero qui tombe le 18 et Illescas le 21,
se dessine la pince qui va
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