La Révolution et la Guerre d’Espagne
important de pouvoir disposer de bases,
comme Majorque ou Ceuta, encore plus d’utiliser les mines de fer ou de cuivre
des Asturies et du Rio Tinto, cet élément ne saurait être décisif au point d’orienter
sérieusement la politique internationale. Viennent les graves événements de l’été
38, la question des Sudètes, et l’Espagne ne sera plus qu’un pion parmi d’autres
dans le jeu européen.
La reconnaissance du gouvernement nationaliste
Comment les puissances
européennes vont-elles manifester leur choix à l’égard des deux camps qui s’affrontent
en Espagne ?
Juridiquement, la situation est simple : il existe un
parlement espagnol régulièrement élu, qui doit désigner un gouvernement ;
ce sont les seuls organismes dont la légalité soit indiscutable. Après l’échec
relatif du 19 juillet, les nationalistes ne sont que des militaires rebelles
contrôlant certaines provinces. Ils en ont eux-mêmes parfaitement conscience,
puisqu’ils se contentent dans les premiers mois de constituer un pouvoir
officiellement destiné à disparaître après la victoire pour faire place à un
véritable gouvernement [310] .
Leur capitale, Burgos, est ignorée par les autres pays, même par ceux qui
manifestent à l’Espagne nationaliste la plus agissante sympathie : quand
Franco, après sa nomination comme chef de l’État espagnol en octobre 36, envoie
un télégramme de salut à Hitler, celui-ci ne lui répond pas, témoignant ainsi
qu’il ne juge pas bon pour le moment de le reconnaître officiellement ;
lorsque Welczeck, ambassadeur d’Allemagne à Paris, rend compte de la situation
espagnole à Berlin, il oppose tout naturellement le « gouvernement
espagnol » aux « rebelles » [311] .
Mais si l’on se refuse, dans les chancelleries européennes,
à donner aux révoltés des droits de « belligérance » qui ne peuvent
être accordés qu’à un pouvoir légal, on ne saurait non plus leur permettre de
se fournir en matériel de guerre auprès d’États étrangers. Cette situation n’allait
pas tarder à gêner considérablement l’Italie, l’Allemagne et le Portugal ;
et les chancelleries de ces États seront amenées à développer toute une
argumentation pour justifier leur intervention : ce serait la gauche qui,
en truquant la loi électorale et en provoquant ainsi la constitution d’un
gouvernement de Front populaire, aurait créé la situation
révolutionnaire ; les formes légales de gouvernement auraient elles-mêmes
disparu depuis les élections de février 36 et les chefs militaires se seraient
alors soulevés pour les rétablir. Contentons-nous de rappeler que la loi
électorale avait été votée par une assemblée de droite qui croyait s’assurer
ainsi un long bail de gouvernement…
D’ailleurs ces arguments juridiques ne sont employés qu’avec
précaution ; les gouvernements fascistes préfèrent la méthode du fait
accompli. Pour donner des formes diplomatiques décentes à la reconnaissance des
autorités nationalistes comme gouvernement de l’Espagne, les ministres des
Affaires étrangères allemand et italien Neurath et Ciano, voudraient attendre
la chute de Madrid. Un projet allemand de communication au chargé d’affaires d’Espagne
à Berlin, préparé dans les derniers jours d’octobre 36, commence par ces
mots : « Maintenant que le général Franco s’est emparé de la capitale
espagnole de Madrid et que son gouvernement a ainsi la maîtrise de la plus
grande partie du pays… »
A défaut d’autre fondement juridique, la possession de la
capitale et de ses bâtiments administratifs, le contrôle de fait, permettraient
d’opposer le « pays réel » au « pays légal ». De toute
façon, un prétexte serait alors trouvé dans la nécessité d’assurer la
« défense des intérêts allemands ». Le départ du gouvernement
républicain pour Valence semble préparer cet événement, mais la capitale
résiste et la guerre menace de durer. Amenés alors à prendre une position plus
ferme, les Allemands et les Italiens se décident enfin, le 18 novembre, à
procéder à la reconnaissance de jure du gouvernement de Burgos. Le
Portugal fait de même.
Certes les deux assertions selon lesquelles d’une part le
gouvernement, de Franco contrôle la plus grande partie du territoire et d’autre
part qu’il n’y a plus « d’autorité gouvernementale en Espagne
républicaine » paraissent à la mi-novembre également fausses. Le
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