La Révolution et la Guerre d’Espagne
« maladresses ».
Mais le Nord ne reçoit aucune aide matérielle, ce qui prive de toute efficacité
les conseils de Madrid et de Valence. Caballero évoque dans ses Mémoires les
télégrammes angoissés d’Aguirre, réclamant une aide aérienne, parle du
« désespoir » du président basque. Les Asturiens déclarent aussi qu’ils
ont été battus faute de matériel de guerre. Le seul appoint appréciable sera l’arrivée
d’armes russes : 15 chasseurs, 5 canons, 15 chars, 200 mitrailleuses et 15
000 fusils « datant de la guerre de Crimée » [380] , ce qui est peu
pour 35 000 soldats et se révèle ridiculement insuffisant lors de l’offensive
de 1937.
Devant le danger immédiat, les positions des Basques et des
Asturiens sont radicalement différentes. Les miliciens des Asturies, comme tous
les autres, se battent mal en rase compagne. Mais ils savent s’accrocher dans
les combats de rue à toutes les maisons des villes et des villages. La lutte
engagée est pour eux une question de vie ou de mort et la dynamite est leur
suprême argument [381] .
Ils n’ont pas peur de la destruction et ne veulent laisser que des ruines entre
les mains des nationalistes. Pour eux, la terreur est le seul moyen de tenir l’arrière.
Ils n’hésiteront jamais à abattre sur place quiconque parle de se rendre. Aux
bombardements, ils sont prêts à répondre par l’exécution en masse des
« otages », sympathisants des rebelles ou simplement suspects.
Les Basques ont, dans les mêmes circonstances, des réactions
bien différentes. Respectueux des croyances religieuses et des opinions
politiques, soucieux de se conduire en « bons catholiques », ils
préfèrent relâcher un coupable qu’exécuter un innocent, conservent à des
postes-clés des éléments suspects ou simplement tièdes [382] , se préoccupent
autant de préserver la vie des « otages » pris par leurs voisins que
de tenir le front [383] .
Surtout l’enjeu de la guerre n’est pas le même pour eux ; alliés
momentanés du Front populaire, les dirigeants du parti nationaliste basque,
leurs bailleurs de fonds et leurs troupes ne partagent ni l’idéologie, ni l’optique
des autres combattants « antifascistes ». Ils se battent pour le Pays
basque tel qu’il est, et pour ses libertés, se refusant à tout laisser détruire
en un vain combat. La bourgeoisie basque sait que tout avenir ne lui est pas
fermé en cas de victoire franquiste, qu’on aura besoin de ses services, quand
les usines et les mines qui auront échappé à la destruction fonctionneront de
nouveau. Elle compte sur ses associés britanniques pour la protéger. Enfin la
solidarité catholique lui fait espérer, sinon un compromis, du moins des ménagements
de la part des rebelles, l’espoir de sauvegarder une partie au moins de ses
intérêts.
La lutte sur « deux fronts » a sa propre logique.
Le désir de ne pas céder à la révolution, de ne pas livrer aux atrocités de la
guerre de rues et aux représailles inévitables les populations des villes, les
monuments et les installations industrielles, entraînera une partie des Basques
à s’opposer, quand il le faut par la force, aux partisans de la résistance à
outrance et de la destruction. Dans cette tâche, ils seront parfois débordés
par les phalangistes cachés ou les opportunistes, qui y voient un moyen de
précipiter la déroute républicaine.
La campagne pour Bilbao
La seule considération d’une victoire facile aurait suffi à
déterminer le général Franco à se tourner vers le Nord, après ses échecs
successifs devant Madrid. Mais d’autres éléments ont certainement joué : d’abord
la bataille de Madrid a prouvé qu’il convient de se préparer à une guerre
longue. Il existe maintenant une armée républicaine.
Franco, qui n’a pas eu les moyens de l’emporter en occupant
la capitale, ne peut espérer vaincre par une offensive généralisée. Ses
réserves sont trop faibles, et les pertes subies dans les combats récents ont
écarté pour le moment l’idée d’une bataille d’usure. La tactique utilisée jusqu’à
la fin des hostilités consistera à attaquer et à réduire région par région l’Espagne
républicaine, ce qui permet, de concentrer un matériel important sur un front
restreint. L’isolement du Nord en fait naturellement le secteur rêvé pour une
pareille entreprise. De plus, la chute du Nord a une valeur économique, qui
peut être décisive pour la suite de la
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