La Révolution et la Guerre d’Espagne
commandement
militaire, preuve suffisante qu’il n’y a pas de véritable entente, même dans ce
domaine. Les officiers envoyés par Caballero, le capitaine Ciutat aux Asturies,
le général Llano de Encomienda au Pays basque, se sont employés depuis des
mois, avec l’aide des techniciens russes, à réaliser l’unité sans y parvenir.
Sous des étiquettes semblables d’unités « militarisées », les troupes
restent différentes : « milices basques », unités en uniforme,
encadrées par des aumôniers, ignorant le « mono » et les commissaires
politiques, « milices asturiennes », où partis et syndicats exercent
leur contrôle [376] .
Non seulement il n’y a pas de commandement militaire unifié
pour les trois zones, mais il y a opposition et méfiance d’une région il l’autre :
hostilité des révolutionnaires asturiens vis-à-vis des Basques
« conservateurs », réticences basques à l’égard de « l’anarchisme »
de Santander et de Gijón,
Dès le mois d’août 36, les difficultés ont commencé. Dans
les Asturies, c’est la chasse aux prêtres et aux religieuses. Les églises sont
détruites ou fermées, le culte interdit. Au Pays basque, au contraire, l’Église
a conservé toutes ses libertés et continue d’exercer une profonde influence
aussi bien dans le peuple qu’au sein du gouvernement, où siègent plusieurs
ministres catholiques. Le serment prononcé par Aguirre souligne que le
président se comportera « en croyant, en magistrat du peuple et en
Basque ». Des prêtres et des fidèles, persécutés aux Asturies, cherchent
refuge au Pays basque, où les militants de la C. N. T. protestent violemment
contre le décret qui fait du Vendredi saint un jour férié. Aux Asturies, mines
et usines sont contrôlées, de nombreuses entreprises, même dans le petit
commerce, sont collectivisées. Au Pays basque, la propriété n’a subi aucune
atteinte. Tandis que les « Comités-gouvernement » dirigent la
révolution aux Asturies, les « juntes de défense » d’Euzkadi s’emploient
à faire rétablir partout la « normalidad » . Il reste peu de
gardes civils aux Asturies, sauf à Gijón, alors qu’ils sont nombreux à
Santander et au Pays basque. Quand les pouvoirs régionaux ont été intégrés à l’État
républicain, le Conseil des Asturies comprend toujours des anarchistes ;
il n’y en aura jamais dans le gouvernement basque [377] . Le gouvernement
Aguirre a combattu la révolution. Alors qu’aux Asturies « l’épuration »
a été sévère, le gouvernement d’Euzkadi s’est donné comme objectif d’assurer
« la sécurité des individus et de leurs biens ». Il a désarmé l’arrière,
interdisant le port des armes à quiconque n’appartient ni à l’armée, ni à la
police, et il s’est fait donner le droit de recruter autant de forces de police
que « la situation l’exige ».
Il n’est pas étonnant que, dans ces conditions, la
collaboration se soit révélée difficile entre les deux territoires de ce qu’on
peut appeler la « confédération espagnole » [378] . Aucune
coordination n’étant réalisée dans le domaine militaire, alors que l’infériorité
des forces républicaines n’est pas encore flagrante, la dispersion des efforts
condamne toute initiative. Les Basques reprochent aux Asturiens de n’avoir pas,
en octobre, épaulé l’opération sur Alasua, destinée à soulager Madrid. Les
Asturiens rétorquent qu’avec des munitions et un peu de matériel lourd, ils
auraient pris Oviedo en octobre, avant que la colonne Solchaga ne vienne la
délivrer. Certes des bataillons basques participent en février à la grande
attaque des Asturiens contre Oviedo [379] ,
mais la tranquillité du reste du front Nord permet aux nationalistes de
contenir victorieusement cet assaut.
La collaboration ne se réalise pas non plus sur le plan
économique. Le Nord, est pourtant la seule région industrielle où la
reconversion des usines permettrait la création d’une industrie de guerre
puissante. Mais les Asturiens ont le charbon et les Basques le fer : des
mois précieux se passeront en pourparlers et en récriminations.
Sans doute le gouvernement central s’emploie-t-il à apaiser
les différends. A plusieurs reprises on suggère à Aguirre d’accepter dans son
ministère des représentants de la C. N. T. Et les responsables de la C. N. T.
demandent à leurs camarades d’Euzkadi d’éviter les
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