La Révolution et la Guerre d’Espagne
guerre : la plus grande partie de l’industrie
métallurgique espagnole s’y trouve. Enfin sa possession est importante pour de
futures négociations internationales. L’Allemagne, qui a besoin du minerai de
fer cantabrique, ne peut qu’appuyer une pareille opération. L’Angleterre, qui
utilise ce même minerai, ne peut ignorer l’autorité établie dans la région, qu’elle
soit républicaine ou franquiste.
Le général Mola est chargé de l’opération la plus importante
et la plus facilement réalisable, la conquête de la Biscaye. Ses troupes ont
connu une période de calme et de réorganisation pendant le début de l’année 37.
Ce sont les quatre brigades de Navarre [384] qui se trouvent constamment en première ligne pendant l’offensive nationaliste,
et représentent une force numérique égale, sinon supérieure, aux troupes
basques – renforcées par quelques brigades venues des Asturies et de Santander
– concentrées dans les Sierras pour protéger les passages permettant de
déboucher sur Bilbao. Derrière les Navarrais du général Solchaga, les Italiens
des Flèches Noires et de la nouvelle division 23 mars, constituée après
Guadalajara, ont été placés en réserve. Par la suite, Mola renforce ses troupes
avec des effectifs composés de Marocains et de contingents du Tercio. L’opération
commence, comme prévu, le 31 mars, après que Mola ait lancé un dernier
ultimatum aux Basques ; tout de suite se manifeste la méthode de combat
qui va être constamment utilisée par les nationalistes au cours de cette
campagne : exploitation d’une supériorité matérielle écrasante,
bombardements intenses d’artillerie, suivis de l’intervention de l’aviation [385] . Son efficacité
apparaît immédiatement aux résultats obtenus dans les cinq premiers jours de l’offensive,
malgré les contre-attaques fréquentes et courageuses des Basques ;
cependant, l’occupation des cols n’a pas amené les franquistes au contact de la
« Ceinture de Fer », la ligne de défense de Bilbao. Aznar invoque le
mauvais temps, qui a certainement ralenti les opérations, en interdisant à un
moment décisif les sorties aériennes. Mais l’armée basque, en dépit des pertes
subies et des faiblesses matérielles, est encore capable de réactions dangereuses.
Ainsi s’expliquent les durs combats autour du mont Sabigan, pris et repris à
plusieurs reprises entre le 11 et le 15 avril. Il aurait alors fallu une
diversion venue de l’extérieur, qui obligeât Franco à détourner une partie de
ses troupes et de son aviation vers un autre secteur. Mais les tentatives dans
ce sens seront, on le verra, tardives et menées avec des moyens trop faibles.
La première partie de la campagne de Biscaye s’est achevée
fin avril avec l’occupation de Durango, d’Eibar et de Guernica. Les brigades de
Navarre sont enfin au contact des hauteurs qui protègent et dominent la
Ceinture de Fer. Ces dernières opérations ont été marquées par une utilisation
massive de l’aviation qui écrase et terrorise non seulement les lignes de
défense, mais aussi villes et villages. L’épisode le plus célèbre à cet égard
est, le 26 avril, la destruction de Guernica par l’aviation allemande ; ce
bombardement eut une énorme répercussion à l’étranger. Aujourd’hui, après
Rotterdam et Coventry, après la destruction de Varsovie et la bombe d’Hiroshima,
on est presque étonné de l’importance donnée à cet attentat. Mais c’est que
Guernica est la véritable capitale religieuse du Pays basque. L’émotion du
monde catholique, surtout en France, a été considérable. Et puis l’affaire
prend un aspect international du fait que ce sont les Allemands qui sont
accusés, à juste titre, d’en être responsables : les témoignages des
habitants qui fuient Guernica incendié et menacé par les rebelles sont
irréfutables. L’aviateur Galland se contentera de dire qu’il s’agit d’une
« erreur » regrettable. Mais devant le blâme public, l’émotion de la
Chambre des Communes où Eden a été interpellé, l’Allemagne demande à Franco
« un démenti énergique ». D’où la thèse nationaliste :
« Guernica a été incendiée par… les hordes rouges. Aguirre a préparé, dans
un dessein satanique, la destruction de Guernica » [386] exécutée par les dinamiteros asturiens. Cette interprétation a cours encore aujourd’hui
en Espagne [387] .
Cependant, les forces nationalistes ont
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