La Révolution et la Guerre d’Espagne
rompre l’unité
de l’Église, une grande partie du clergé basque restant fidèle au gouvernement,
expliquent cette attitude d’expectative. L’évolution de la situation au cours
de l’année 1937 va mener à un changement radical de cette position. Les raisons
en paraissent simples : la prolongation de la guerre, dont l’issue parait
toujours plus lointaine, oblige à officialiser un choix qui se manifeste déjà
dans les actes ; les succès remportés par les nationalistes ont amélioré
la position diplomatique du gouvernement de Burgos et l’établissement de
relations avec le Vatican est dans la logique des choses ; enfin la campagne
de Biscaye règle le problème posé par l’existence d’une minorité catholique
dans le camp républicain. Aussi, le 7 octobre 37, le nonce Antoniutti
présentera-t-il au général Franco ses lettres de créance. Quelques mois
auparavant, une prise de position de la majorité des prélats espagnols a déjà
annoncé ce geste. Les constantes références des nationalistes à la tradition
catholique et à l’œuvre des rois catholiques, l’influence personnelle de
certains évêques, notamment du cardinal-archevêque de Tolède, Goma y Tomas, ont
fortement contribué à incliner la hiérarchie ecclésiastique dans ce sens.
Le 1 er juillet 37 est publiée la « Lettre
collective des évêques espagnols ». Elle dissipe à cet égard toute
équivoque. Signé par 43 évêques et 5 vicaires capitulaires, avec, en tête, le
cardinal Goma et le cardinal Ilundain, archevêque de Séville, ce texte doit son
importance, non seulement au fait qu’il est une explication de l’attitude du
clergé et des catholiques espagnols, mais surtout au fait qu’il reste un des
seuls qui tentent de justifier le Movimiento de façon rationnelle et
intelligente.
La Lettre des évêques prétend en effet d’abord justifier la
position de l’Église en justifiant la guerre. Si, en des pays étrangers, et
plus spécialement dans certains milieux catholiques français, on s’est indigné
des persécutions relieuses en zone républicaine, une inquiétude visible se
dégage aussi devant l’attitude très « active » de nombreux prêtres
espagnols dans le conflit. Aussi les évêques déclarent-ils de façon péremptoire
que « l’Église n’a pas voulu la guerre ». Elle ne l’a pas voulu, mais
elle l’accepte, car elle y a été contrainte. Le recours à la force, dans ces
conditions, est légitime [427] :
– Il y a eu menace sur l’existence du bien
commun ; d’abord menace contre la Patrie, car l’orientation donnée à la
politique par le Front populaire est, tout, à fait, « contraire à la
nature et aux besoins de l’esprit national ». Menaces également contre l’esprit
religieux ; ainsi les lois laïques sont-elles qualifiées d’« iniques »,
d’atteintes à la liberté « chrétienne » de conscience ; ensuite,
Il y a eu, de façon plus matérielle et moins discutable, les attentats contre
les églises [428] .
Il y a, enfin, une menace évoquée moins directement contre la Société établie,
car on trouve constamment indiqué dans le texte le danger du « communisme
destructeur », de la Révolution « anti-divine ». Il est donc
nécessaire de se battre, puisqu’il faut « périr sous l’assaut du
communisme ou tâcher de se débarrasser de lui ». La guerre se trouve
présentée comme une réaction salutaire, comme un « remède héroïque »
contre un péril public ; ceux qui se sont soulevés font du patriotisme et
de l’esprit religieux des impératifs que l’Église ne peut désavouer.
– D’autre part, il est avéré que « l’ensemble des
autorités sociales et des hommes sages reconnaissent le péril public », et
la « conviction des hommes sages concernant la légitimité de leur
triomphe » est absolue.
Puisque cette guerre est juste et nécessaire, l’Église ne
peut « rester indifférente » ; puisque ceux qui se battent
soutiennent une cause sainte, il faut faire de ce combat « une lutte
sacrée ». D’où le second commentaire qu’il convient de donner à la Lettre
des évêques : indiquer dans quel sens il convient d’orienter le conflit,
quel caractère il importe de lui donner. Ce conflit, « réaction d’ordre
religieux », est une croisade, et les combattants peuvent être comparés
aux chevaliers-moines des ordres militaires. La cause qu’ils défendent est d’abord
celle de
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