La Révolution et la Guerre d’Espagne
donner la domination totale du pays.
Il peut déclarer le 20 juillet : « Nous avons gagné la guerre… »
Mais il a beau parler d’une « paix féconde », de la disparition des
« privilèges », il ne semble pas que l’œuvre de son gouvernement soit
suffisante pour rallier ses adversaires : « Il ne suffit pas de vaincre,
disait Miguel de Unamuno [436] ,
il faut convaincre. »
L’organisation de l’État nouveau
Quelques mots reviennent constamment dans les textes
fondamentaux de « l’État national-syndicaliste » : Autorité,
Hiérarchie et Ordre. Ces termes, la présence de l’armée et des officiers dans
tous les secteurs de l’administration nous font souvenir que le Caudillo est un
soldat et veut, selon l’expression de Marcatte, instaurer dans l’État
« une discipline semblable à celle des armées ». Passés les premiers
temps de l’agitation et du pittoresque, les observateurs s’accordent à
reconnaître que l’Espagne nationaliste a une apparence de calme, et, même, dans
certaines régions, de paix, inimaginables à la même époque en zone
républicaine.
Le maintien de l’Ordre
L’étonnant est de constater cette tranquillité dans des
régions comme l’Andalousie et l’Estrémadure qui avaient été parmi les plus
« rouges » avant juillet 1936. Sans doute, la répression contre l’agitation
révolutionnaire a-t-elle été ici particulièrement sanglante. Mais des mesures
violentes et désordonnées ne réussissent généralement pas à briser toute forme
visible d’opposition. Pour y parvenir il a fallu instaurer une véritable
organisation de la répression. Les nationalistes ont d’abord brisé les cadres
de l’opposition républicaine ou révolutionnaire ; des mesures ont été
prises pour mettre hors d’état de nuire tousles individus considérés
commedangereux et qualifiés, assez curieusement, par les chefs
militaires, de « rebelles ». Comme en zone républicaine, on est passé,
en matière de répression, de la terreur organisée à une apparence de justice.
Bahamonde a bien décrit cette évolution qui mène des fusillades de masse du
début à l’« instruction sommaire », puis à partir de février 37, à l’action
systématique des conseils de guerre. Ceux-ci sont habilités à juger les
« délits de rébellion, sédition, résistance et désobéissance à l’Autorité » [437] , définition déjà
dangereuse parce que très vague ; les quelques précisions données ne font
que la rendre plus redoutable encore : ainsi peuvent être condamnés, non
seulement ceux qui possèdent des armes à feu, mais, par exemple, ceux qui
« entravent la liberté du travail » ouqui « propagent
des nouvelles tendancieuses susceptibles d’ébranler le prestige de l’armée ».
Toute personne qui insulte ouattaque un militaire ouun
fonctionnaire est passible d’une sanction. Il est vrai qu’il ne s’agit là que
de textes, dont seule l’application devrait nousintéresser. Mais la
répression est aussi, en zone nationaliste, une réalité quotidienne :
« Nous serons sans pitié, déclare Queipo, pour les assassins qui ontsacrifié
à la fureur politique les enfants, les femmes, les vieillards. Quant aux gens
de l’Union républicaine, ils sont trop liés au Frente popular pour qu’onpuisse les en détacher » [438] .
Ainsi tous ceux qui, à un moment, si bref soit-il, ont soutenu la République
après le 18 juillet, sontmenacés. Même leur ralliement ultérieur au
franquisme ne leur garantit pas forcément l’impunité : l’ancien député
Rasado Gil, qui a eu le malheur de demander un vote de confiance en faveur du
gouvernement de Madrid le 1 er octobre 36, est condamné pour ce crime
à deux ans de prison, bien qu’il se soit , quelques mois après, enfui en
zone nationaliste. Des partisans du Movimiento eux-mêmes, dont l’attitude
est considérée comme subversive, sont poursuivis : en juillet 38, le
marquis de Carvajal est condamné pour défaitisme par le tribunal de Saragosse à
la confiscation de ses biens [439] .
Encore, dans les deux cas précités, ne s’agit-il que de fautes vénielles et de
sanctions relativement modérées. Emprisonnements et exécutions se succèdent et
la répression – souvent accompagnée de violences et de tortures – s’amplifie
sousle régime instauré par le secrétaire d’État à l’ordre public, le
général Martinez Anido. Cela lui vaut de nombreuses attaques, notamment
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