La Révolution et la Guerre d’Espagne
la censure cinématographique. Dès le 23 décembre 1936, sont
interdites la « publication et la circulation des livres et des imprimés
pornographiques, marxistes ou dissolvants » [445] .
La presse est encore plus dangereuse par l’influence qu’elle
peut exercer quotidiennement sur les masses. Aussi le général Franco a-t-il
toujours attribué un rôle particulièrement important à la « délégation
pour la presse et la propagande » dont le but est « d’utiliser la
presse pour faire connaître les caractères du Movimiento, son œuvre et
ses possibilités ». C’est le chef du service de presse [446] qui dirige la
censure et sert de lien avec les directeurs de journaux : ceux-ci sont
devenus de véritables exécutants du pouvoir. Pratiquement désignés par la
Phalange, ils sont responsables de tout et, pour une faute : peuvent être
destitués et même radiés des registres. Aussi les informations diffusées en
zone nationaliste ont-elles été préalablement sévèrement contrôlées.
Il convient par suite de n’accorder que peu de crédit aux
descriptions enthousiastes faites à cette époque par des journalistes
politiquement favorables à Franco et qui se contentent en réalité des
informations données par l’office de presse destiné aux journalistes étrangers.
Il est facile de trouver des ombres au tableau, Séville a l’air d’une cité
paisible, dit Bahamonde [447] ,
mais les convois de blessés arrivent la nuit, et, pour éviter à la population
un spectacle pénible, Queipo fait sonner l’alerte pendant le temps. En octobre
37, « le trafic est interrompu après huit heures du soir aux portes mêmes
de Séville ». Les guérilleros continuent longtemps à tenir en Andalousie
et prennent encore de gros risques. Bahamonde parle d’une attaque en plein jour
contre des gardes civils, En mai 38, et bien que la pacification paraisse
presque achevée, Stohrer signale de semblables activités près de Caceres et
dans les Asturies. Dans le même rapport, l’ambassadeur d’Allemagne évalue à 40
% la fraction de la population de la zone nationaliste qu’il considère comme
« politiquement instable » : la toute-puissance des autorités
nationalistes ne peut dissimuler complètement l’opinion favorable aux
« rouges » de certains groupes de populations.
Il est difficile de préciser dans quelle mesure les
autorités civiles et militaires chargées du maintien de l’ordre coopèrent ou se
contrecarrent. Dans les zones proches de front, le problème ne se pose
pas : tous le pouvoir est aux mains des militaires. Les délégués civils
nommés et installés par les officiers restent de simples subordonnés. Par la
suite, quand la région est pacifiée, les compétences sont peu à peu rendues aux
gouverneurs civils, aux commissions de gestion mises en place, ou dans certains
cas, aux maires qui ont pu entrer en fonction ; Le gouverneur, civil
dépend en principe du ministre de l’Intérieur. En réalité, il doit compter avec
l’autorité militaire qui lui reste hiérarchiquement supérieure et conserve
longtemps seule la responsabilité de l’ordre public. Les militaires ont le
droit d’apprécier « le manque de capacité » ou les « fautes de
moralité » des civils, et de les remplacer, quand ils le jugent absolument
nécessaire, par un « délégué à l’ordre public ».
D’ailleurs le manque de fonctionnaires « sûrs »
oblige souvent à choisir les gouverneurs « civils » parmi les
officiers. A Malaga, par exemple, après la victoire nationaliste, le gouverneur
civil est le capitaine Garcia Alted, qui laisse toute liberté aux troupes
italiennes et manifeste de façon éclatante ses opinions politiques en revêtant
l’uniforme de la Phalange.
Il est normal, dans ces conditions, que la seule puissance
véritablement respectée soit l’Armée ou que des conflits éclatent entre les
pouvoirs civils et militaires [448] .
En dehors de l’application des mesures édictées par le
gouvernement, la grande préoccupation des gouverneurs civils et des
administrations locales est le ravitaillement de l’armée et de la population.
Celui-ci est d’ailleurs facilement assuré ; les boutiques sont toujours
pleines et les magasins offrent même des tissus anglais. Seuls le riz, le thé
et le café seront rationnés en 37-38. Les nationalistes peuvent même se
permettre d’exporter une partie de la production agricole et disposent encore
de
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