La Révolution et la Guerre d’Espagne
est en effet
obligatoire : la délivrance des cartes syndicales, monopole de la
Phalange, est, aux mains du Parti unique, un moyen de contrôle nouveau et
considérable. L’idée totalitaire se manifeste dans l’organisation même du
syndicat : « Tous les producteurs sont réunis ». En effet,
contre l’affirmation de la lutte des classes qui est à la base du
« matérialisme marxiste », l’État national-syndicaliste prétend
dominer les oppositions entre les catégories sociales. Aussi le syndicat
doit-il réunir les patrons, les employés et les techniciens dans les mêmes
organismes. Les syndicats, enfin, sont strictement hiérarchisés. « Toutes
les sections syndicales sont soumises à l’autorité de leurs chefs »,
ceux-ci étant, bien entendu, choisis par la Phalange qui encadre les
travailleurs comme elle encadre le reste de la population. L’État promet qu’il
accordera aide et protection, qu’il se montrera loyal envers les travailleurs.
En revanche, il exige une fidélité et une obéissance inconditionnelles.
La Phalange intervient enfin dans la vie du pays par le
biais des œuvres sociales, qu’on serait plutôt tenté d’appeler des
« œuvres de charité » et qu’elle a été seule à organiser. La
réalisation essentielle, à cet égard, est l’Auxilio social, fondée à l’automne
1936 par la veuve du phalangiste Onesimo Redondo, Mercédès Sanz Bachiller, mais
qui sera effectivement dirigée ultérieurement par Pilar Primo de Rivera. L’Auxilio
social a commencé par l’organisation d’un secours d’hiver : au départ,
trois réfectoires pour des orphelins. Plus tard, les secours s’étendront aux
réfugiés : ce sont les « cuisines de fraternité », un vocable
cher au régime. Par la suite, on organisera des distributions de secours aux
malades et aux vieux travailleurs. Le centre de l’Auxilio social est à
Valladolid [451] ,
Ses moyens sont fournis par l’aide des femmes phalangistes, et, plus tard, par
le « Service social », équivalent, pour les femmes de 17 à 35 ans, à
ce que peut être, pour les hommes, le service militaire. Lui aussi doit
permettre l’établissement d’un climat de fraternité ; femmes mariées,
veuves et infirmes en sont dispensées [452] .
En principe, il est facultatif, mais une femme ne peut se présenter à un examen
ou entrer dans l’administration si elle ne l’a pas accompli [453] .
La distribution de ces importants secours exige d’importants
moyens financiers et l’apport gouvernemental est très insuffisant. Les
ressources nécessaires seront fournies par les « quêtes de
quinzaine », la vente des timbres de l’Auxilio social et surtout
par les « fiches bleues » dont les signataires s’engagent à des
versements réguliers [454] .
Par ailleurs, et indépendamment de la Phalange, le
gouvernement nationaliste s’est particulièrement intéressé à deux problèmes nés
de la guerre : l’aide aux familles des combattants, pour laquelle on a
créé un « fonds de bienfaisance » alimenté par une taxe de 10 % sur
les produits de luxe [455] ,
et la Colocacion familiar de niños, typique de la forme de misère
créée par cette guerre. La tâche de cette œuvre consiste à rechercher dans
chaque localité des familles susceptibles d’apporter, aux orphelins ou aux
enfants séparés de leurs parents par la guerre, « la sainte chaleur de la
famille ». Encore faut-il qu’elles soient capables de leur donner
« une bonne éducation ». Aussi, le texte officiel prévoit-il qu’elles
doivent être des exemples « de mœurs, de religion et de moralité »
pour pouvoir donner aux enfants recueillis « une éducation chrétienne et le
saint amour de la Patrie » [456] .
On les choisit avec grand soin : une junte locale, comprenant l’alcade, le
doyen des curés, un inspecteur municipal de la santé, désigne les tuteurs, et
fournit à leur sujet des renseignements détaillés qui justifient sa proposition [457] ; elle
aura, en outre, à veiller à ce que les tuteurs « remplissent leurs
devoirs ».
Dans toutes ces institutions, à côté de l’esprit « de
charité », on retrouve le désir d’ordre et de lutte pour le triomphe de la
morale officielle qui est à la fois la morale chrétienne et la morale politique
de la Phalange. Malgré des déclarations d’intentions sociales de la part de l’État,
le fait est que les seules réalisations ne sont que des mesures
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