La Révolution et la Guerre d’Espagne
l’interruption
de cette offensive éclair qui se ralentit entre le 16 et le 21 mars. Les
communiqués officiels et l’optimisme de Ciano peuvent seuls expliquer « l’arrêt
sur les positions conquises » par la nécessité de « permettre aux
nationalistes d’épauler les Italiens ». En réalité, les nationalistes ont
été les premiers surpris par l’ampleur de leur succès. « Les troupes, note
Ciano le 14 mars, avancent avec une vitesse inattendue. » Mais, après cinq
jours d’une avance foudroyante, il faut ralentir l’allure des colonnes motorisées.
Les réserves sont insuffisantes pour exploiter immédiatement les premiers
succès et il faudra attendre l’arrivée des Navarrais pour repartir. L’état-major
républicain en profite pour regrouper quelques unités qu’il utilise, dans des
missions de sacrifice, à des actions de harcèlement et de retardement : il
parvient, le 20 mars, à reconstituer un front, fragile sans doute, mais
continu. Dans le bref délai que leur accorde la pause nationaliste, il
appartient aux gouvernementaux d’amener le maximum de renforts pour
« colmater la brèche » et, surtout, défendre la Catalogne. Prieto
déclare en effet au Conseil des ministres : « Si les rebelles
atteignent la Méditerranée, les quatre cinquièmes de l’armée se trouveront dans
la zone méridionale. » Entre le 15 mars et le 15 avril, date ou les
nationalistes atteignent la mer à Vinaroz, l’état-major de Barcelone essaye de
faire passer le plus possible de troupes par la route côtière de Tortosa. C’est
ce qui explique l’acharnement de la résistance républicaine, d’abord sur la
ligne Caspe-Alcañiz, puis, après sa rupture, devant Tortosa. Mais, en
définitive, cette résistance n’a été – et ne pouvait être – que sporadique.
En effet, la première offensive nationaliste a été très
lourde de conséquences : la désorganisation qu’elle a provoquée ne peut
être surmontée en quelques jours. La reprise de l’offensive ne le permettrait d’ailleurs
pas. La confusion est telle chez les républicains qu’on ignore les positions
exactes des franquistes. Deux officiers des brigades se font prendre à Gandesa
dont ils ignoraient la chute. Les débris d’unités diverses affluent sur la rive
droite de l’Ebre où arrivent aussi les renforts venus de la zone centrale. Pour
la première fois peut-être, devant une débâcle d’une telle ampleur, certains
envisagent la fin prochaine du conflit. Les officiers généraux doivent se
rendre en première ligne pour essayer de reprendre les troupes en main et d’improviser
tant bien que vaille une défense.
Généralisation de l’offensive
Mais c’est surtout la généralisation de l’offensive qui
donne à la défaite d’Aragon son caractère désastreux. Après l’attaque de Caspe,
six corps d’armée nationalistes ont engagés. Dans le Nord, il s’agit d’empêcher
les 10 e et 11 e corps républicains disposés de l’Ebre aux
Pyrénées de venir en aide aux forces dispersées et vaincues au sud du fleuve.
Le succès nationaliste sera décidé par une attaque surprise du corps d’armée
marocain, qui traverse brusquement le fleuve qu’il longeait jusqu’alors :
les 10 e et 11 e corps républicains connaissent un sort
semblable à celui du 12 e quelques jours auparavant, sur un terrain
pourtant moins favorable aux manœuvres d’ensemble. Là encore, la résistance est
pratiquement nulle. La seule opposition sérieuse en dix jours est celle que les
nationalistes rencontrent devant Lérida, qui tombe le 3 avril. Le front va se
stabiliser dans ce secteur. Mais, entre-temps, l’offensive est devenue générale
des deux côtés du fleuve, avec les corps d’armée d’Aragon, marocain et d’Urgel,
récemment formé. Les républicains ne se reconstitueront que sur une ligne qui
va de l’Ebre aux Pyrénées en passant par le Segre et le Noguera, défenses
naturelles derrière lesquelles les débris des deux corps d’armée battus ont pu
se replier, Rojo cite notamment la 43 e division du colonel Beltran
qui, isolée dès la rupture du front, mènera une bataille de retardement de
trois mois en s’accrochant aux contreforts pyrénéens avant d’être internée en
France où elle passe avec la plus grande partie de son matériel. Mais des
résistances isolées de ce type ne pouvaient que retarder l’avance nationaliste
sans l’arrêter, d’autant plus que Franco avait décidé de frapper
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