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La Révolution et la Guerre d’Espagne

La Révolution et la Guerre d’Espagne

Titel: La Révolution et la Guerre d’Espagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Broué , Emile Témime
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importance provient d’abord de la personnalité du
ministre. Prieto est très connu à l’étranger, et passe aux yeux de beaucoup
pour l’homme de l’Angleterre. Ce socialiste jouit de la confiance des
républicains et même d’un certain respect en zone nationaliste, où des
historiens iront jusqu’à le considérer comme le seul homme politique valable de
la zone « rouge ». Il a longtemps passé pour l’« homme
fort » du gouvernement Negrín. On connaît la vieille amitié qui le lie au
président dont il a, lors de la crise, mis en avant la candidature. On a même
cru qu’il allait gouverner sous son nom. En fait, Negrín a pris sa tâche au
sérieux, décidant par lui-même de toutes les questions essentielles, ne se
dérobant à aucune responsabilité. Et très vite, les deux hommes ont rencontré
des points de divergences : ils n’ont ni la même conception de la conduite
de la guerre, ni surtout les mêmes perspectives, les mêmes espoirs quant à une
issue heureuse du conflit. Leur polémique d’après-guerre révèle aussi une vive
hostilité personnelle : si on n’en est pas encore là en mars 1938, leurs
rapports se sont néanmoins suffisamment détériorés pour que Prieto soit éliminé
du poste-clé qu’il occupait depuis la formation du « gouvernement de la
victoire ».
    La thèse de Negrín est que, devant la gravité de la
situation militaire après la chute de Teruel et le désastre d’Aragon, il a dû
renforcer l’exécutif pour accentuer l’effort et la volonté de guerre. Or, à ses
yeux, le pessimisme de Prieto ne le rend pas apte à exercer, dans ces
circonstances les fonctions de ministre de la Défense nationale. Comment en
effet, confier la direction de la guerre à un homme qui ne croit pas à la
victoire ? C’est précisément pour renforcer l’exécutif que Negrín ne
confiera pas le portefeuille de la Défense à une autre personnalité, mais qu’il
s’en chargera lui-même, le cumulant ainsi avec la présidence.
    Si Negrín affirme qu’il existe, en mars, un conflit au sein
du gouvernement et que ce conflit est dû au pessimisme de Prieto, celui-ci fait
simplement remarquer que ses sentiments n’ont pas varié et qu’ils étaient
connus de tous notamment de Negrín, qui n’a pourtant pas hésité à le nommer
ministre de la Défense nationale l’année précédente. De fait, lorsque Prieto
quitte le ministère, en mars 38, ce ne sont pas ses opinions sur les
perspectives de victoire militaire qui ont changé, mais la situation militaire
en Espagne républicaine. La perte du Nord et le désastre d’Aragon conduisent à
des options politiques se situant autour du dilemme : résistance ou
négociation. Mais Prieto affirme que là n’est pas le motif de son élimination.
    Pour lui, en effet, la responsabilité de la crise revient
aux communistes : ce sont eux qui ont exigé son départ. Leur volonté de l’éliminer
en est la seule et véritable cause. Il n’y a selon lui qu’un conflit, celui qui
l’oppose au parti communiste : les ministres communistes Uribe et
Hernandez ont tenté de l’associer à une direction « fractionnelle »
socialiste-communiste du gouvernement, et son refus les a déterminés à le
combattre. Il est incontestable que ce sont les attaques publiques de la
Pasionaria, puis les articles de Hernandez signés Juan Ventura parus dans La
Vanguardia et dans Frenie raja qui ont provoqué la crise, la
protestation de Prieto auprès de Negrín contre cette rupture de la solidarité
ministérielle, puis le remaniement et l’exclusion de Prieto. Mais, ainsi qu’il
le répète avec force Prieto ne démissionne pas, il est renvoyé.
    Reste à savoir si, comme il le prétend, la décision de le
renvoyer a été imposée au président par le parti communiste. Il ne fait aucun
doute que les dirigeants du P. C. ont, dans la mesure de leur influence qui
était grande, poussé à son élimination. Il a été longtemps un de leurs plus
précieux alliés ; dans la lutte contre Largo Caballero, dans le
gouvernement Negrín pendant de longs mois, ils ont été à ses côtés parce qu’il
était un homme d’ordre dont les vues coïncidaient avec les leurs, parce qu’il
était le seul homme politique capable de gagner la sympathie active des
puissances occidentales, parce qu’il était, enfin, un partisan résolu de l’unité
socialiste-communiste [467] .
Il s’avère maintenant que cet allié refuse de devenir un instrument. Il

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