La Révolution et la Guerre d’Espagne
ouvriers, Comités de salut public... Tous ont été constitués dans le
feu de l’action, pour diriger la riposte populaire au coup d’État militaire.
Leur mode de désignation varie à l’infini. Dans les villages, les usines ou sur
les chantiers on a parfois pris le temps de les élire, au moins sommairement,
au cours d’une assemblée générale. On s’est toujours soucié en tout cas d’y
représenter partis et syndicats, même là où ils n’existent pas avant la
révolution, car le Comité représente en même temps l’ensemble des travailleurs
et la totalité de leurs organisations : en plus d’un endroit, les élus « s’arrangeront
» entre eux pour savoir qui représentera un syndicat ou l’autre, qui sera le
« républicain » et qui le « socialiste ». Dans les villes, très
souvent, les éléments les plus actifs se sont désignés eux-mêmes. C’est parfois
l’ensemble des électeurs qui choisit, dans chaque organisation, les hommes qui
siégeront au Comité, mais, le plus souvent, les membres du Comité seront soit
élus par un vote au sein de leur propre organisation, soit, tout simplement,
désignés par les comités directeurs locaux des partis et syndicats. Il est rare
que des Comités aient fait ratifier leur composition par un vote plus large,
dans les jours suivant leur désignation : le Comité révolutionnaire de
Lérida se fera pourtant consacrer par une « Assemblée constituante »
composée de représentants des partis et organisations syndicales de la ville, à
qui il rend des comptes. Mais en fait, la « base » n’a de véritable
contrôle que sur les Comités de village ou d’entreprise. A l’échelon supérieur,
la volonté des organisations est prépondérante.
La représentation des partis et syndicats dans les Comités
varie d’un endroit à l’autre. Souvent le Comité de Front populaire s’est tout
simplement élargi à des représentants des centrales. Parfois – là où les
municipalités étaient socialistes – le conseil municipal, élargi par cooptation
de dirigeants C.N.T., est devenu Comité. En Catalogne, et, bientôt, dans l’Aragon
reconquis, bien des Comités sont exclusivement composés de militants de la
C.N.T.-F.A.I. ou des Jeunesses libertaires : cependant, ceux des villes
comprennent des représentants de l’U.G.T., de l’Esquerra, du P.S.U.C. et du
P.O.U.M. à côté de ceux de la C.N.T. et de la F.A.I. A Lérida, le P.O.U.M.
obtient pourtant que les républicains, qui ont soutenu le commissaire de la
Généralité contre les syndicats, soient exclus du Comité, qui est ainsi
restreint aux seules organisations ouvrières. La représentation des différents
groupes est tantôt paritaire et tantôt proportionnelle. Mais, le plus souvent,
elle correspond au rapport de force réel dans les entreprises. Les socialistes
dominent à Santander, Mieres, Sama de Langreo, mais chaque localité minière a
sa propre physionomie politique. Les nationalistes basques partagent avec les
socialistes la junte de Bilbao, mais dominent toutes les autres juntes du Nord.
Les anarchistes sont les maîtres à Gijon comme à Cuenca. A Malaga, socialistes
et communistes, représentés par le canal de l’U.G.T., l’emportent petit à petit
sur la C.N.T. A Valence, les syndicats ont deux délégués quand les partis n’en
ont qu’un. A Castellon, la C.N.T. a 14 représentants et l’U.G.T. 7, socialistes
et communistes n’ont pas de représentation propre, mais les républicains et le
P.O.U.M. ont 7 délégués chacun. En Catalogne, c’est la C.N.T.-F.A.I. qui dirige
les Comités des grandes villes, à l’exception de Sabadell et Lérida [85] .
Tous les Comités, quelles que soient leurs différences de
nom, d’origine, de composition, présentent un trait commun fondamental. Tous,
dans les jours qui suivent le soulèvement, ont saisi localement tout le
pouvoir, s’attribuant des fonctions tant législatives qu’exécutives, décidant
souverainement dans leur région, non seulement des problèmes immédiats comme le
maintien de l’ordre et le contrôle des prix, mais aussi des tâches
révolutionnaires de l’heure, socialisation ou syndicalisation des entreprises
industrielles, expropriation des biens du clergé, des « factieux », ou
plus simplement des grands propriétaires, distribution entre les métayers ou
exploitation collective des terres, confiscation des comptes en banque,
municipalisation du logement, organisation de
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