La Révolution et la Guerre d’Espagne
l’information, écrite ou parlée,
de l’enseignement, de l’assistance sociale. Pour reprendre l’expression
saisissante de G. Munis, partout se sont installés des « Comités-gouvernement »
dont l’autorité s’appuie sur la force des ouvriers en armes et auxquels, bon
gré, mal gré, obéissent les restes des corps spécialisés de l’ancien État,
gardes civils, ici ou là, gardes d’assaut et fonctionnaires divers. Pas de
meilleur hommage rendu à cet égard à l’autorité des Comités que le témoignage d’un
de leurs adversaires les plus résolus d’alors, Jesus Hernandez, dirigeant du
parti communiste espagnol : « Le Comité a été une espèce de pouvoir
trouble, ténébreux, impalpable, sans fonctions déterminées ni autorité
expresse, mais qui exerçait, dans une impitoyable dictature, un pouvoir sans
conteste, comme un véritable gouvernement » [86] .
Ce qui est vrai à l’échelon local ne l’est cependant plus
entièrement à l’échelon régional, où s’affrontent ou coexistent des pouvoirs d’origine
diverse.
Le Comité central des milices antifascistes de Catalogne
Sa naissance
Le 21 juillet, à la fin des combats à Barcelone, les
révolutionnaires, maîtres de la rue, sont appelés au palais de la Généralité.
Le leader anarchiste Santillan raconte : « Nous allâmes au siège du
gouvernement catalan les armes à la main, sans avoir dormi depuis plusieurs
jours, sans nous être rasés, donnant, par notre apparence, réalité à la légende
qui s’était formée sur nous. Quelques-uns des membres du gouvernement de la
région autonome tremblaient, livides, en cette entrevue où manquait Ascaso. Le
palais du Gouvernement fut envahi par l’escorte de combattants qui nous avaient
accompagnés » [87] .
Le président Companys les félicite pour leur victoire: « Vous êtes les maîtres
de la ville et de la Catalogne, parce que seuls vous avez vaincu les soldats
fascistes... Vous avez vaincu et tout est en votre pouvoir. Si vous n’avez pas
besoin, si vous ne voulez pas de moi comme président, dites-le maintenant, et
je deviendrai un soldat de plus dans la lutte antifasciste. Si, au contraire,
vous me croyez quand je dis que je n’abandonnerai ce poste que mort au fascisme
victorieux, alors peut-être qu’avec mes camarades de parti, mon nom et mon prestige,
je puis vous servir... » [88] .
Sans doute le Président n’a-t-il guère le choix. Ainsi que l’écrira,
quelques semaines plus tard, son lieutenant Miravittles : « Le C. C. des
Milices naquit deux ou trois jours après le mouvement, en l’absence de toute force
publique régulière et alors qu’il n’y avait pas d’armée à Barcelone. Pour une
autre raison, il n’y avait plus de garde civile ni de garde d’assaut car ils
avaient tous combattu si ardemment, unis avec les forces du peuple, qu’ils
faisaient alors partie de cette même masse et étaient restés étroitement mêlés
à elle » [89] .
Le pouvoir réel est celui des ouvriers armés et des Comités
d’organisations dans les rues de Barcelone des Comités-gouvernement dans les
villes et les villages. Les socialistes et les communistes, par la bouche de
Comorera, proposent au Président la constitution de « Milices de la
Généralité » qui disputeraient la rue aux hommes de la C.N.T. et du
P.O.U.M. [90] .
Companys ne les suit pas : le combat lui paraît trop inégal, sa personne,
en ce jour, son « nom et son prestige », comme il le dit, sont, de fait,
tout ce qui subsiste en Catalogne de l’État républicain. C’est de l’acceptation
ou du refus de ses services que dépend le sort de l’État, ses chances de
restauration dans les mois à venir. Or les dirigeants de la C.N.T. acceptent de
poursuivre la collaboration. La veille, après une vive discussion, le Comité
régional a affirmé : No hay comunismo libertario, primero aplastamos a
la faccion. (« Il n’y a pas de communisme libertaire, écrasons d’abord
la faction. ») Ils répondent oui à l’offre de Companys. Santillan commente
leur décision en ces termes :
« Nous pouvions être seuls, imposer notre volonté absolue,
déclarer caduque la Généralité et imposer à sa place le véritable pouvoir du
peuple, mais nous ne croyions pas à la dictature quand elle s’exerçait contre
nous et nous ne la désirions pas quand nous pouvions l’exercer nous-mêmes aux
dépens des autres. La Généralité resterait à son poste avec le président
Companys à sa
Weitere Kostenlose Bücher