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La Révolution et la Guerre d’Espagne

La Révolution et la Guerre d’Espagne

Titel: La Révolution et la Guerre d’Espagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Broué , Emile Témime
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armés. Mais dès que les casernes ont été
prises et les armes distribuées, quiconque voulait être armé a maintenant une
arme : plusieurs dizaines de milliers de fusils ont été distribués
partout, à Madrid, à Barcelone, à Saint-Sébastien, à Malaga... Les portes des
prisons se sont ouvertes pour les détenus politiques, mais aussi, souvent, pour
les « droit commun ». Quand il n’y a plus de gendarmes, quand chacun
peut, sans attirer l’attention, porter une arme, les jours sont beaux pour la
pègre.
    Ainsi, la « terreur » que décrivent tous les
observateurs est-elle un phénomène complexe à propos duquel ils ont, souvent à
dessein, confondu plusieurs éléments. Il y a d’abord, incontestablement, un
mouvement spontané, un véritable « terrorisme de masse », par le
nombre des bourreaux aussi bien que par celui des victimes. Réflexe issu de la
peur, réaction de défense devant le danger, analogue à celle qui aboutit,
pendant la Révolution française, aux massacres de septembre, il correspond aux
exigences comme aux fatalités de la guerre révolutionnaire.
    Officiers, gardes, phalangistes, señoritos, sont
abattus sur place, chaque fois qu’il n’y a pas un militant responsable assez
connu ou une unité de police fidèle pour empêcher la curée et protéger les
vaincus.
    Des rumeurs alarmistes, des inquiétudes collectives sont
génératrices d’autres massacres : c’est à la nouvelle des massacres
perpétués à Badajoz par les troupes rebelles, et croyant à une révolte des
détenus, que la foule madrilène s’empare de la prison du Carcel modelo. C’est
après l’exaspération provoquée par les bombardements, le 27 juillet, et dans
une atmosphère de suspicion maladive créée par les discours de Queipo de Llano
à Radio-Séville que la foule; à Malaga, s’empare de la prison pour y exécuter
les rebelles prisonniers. Dans la même perspective, la terreur devient à la
fois action préventive et levier d’action révolutionnaire. Les colonnes de
miliciens qui arrivent dans les villages reconquis sur la rébellion et veulent
poursuivre leur chemin ne connaissent pas d’autre moyen d’assurer leurs
arrières que le nettoyage systématique, la liquidation immédiate et sans procès
des ennemis de classe baptisés « fascistes » en la
circonstance : à Fraga, la colonne Durruti, à son arrivée, exécute
trente-huit de ces « fascistes » : le curé et le grand propriétaire, le notaire
et son fils, tous les paysans riches. Ainsi, aux yeux de certains, se trouvent
créées les conditions d’une véritable révolution, par la disparition des hommes
des classes dirigeantes de l’ancien régime. Ici encore, la terreur est
inséparable de la guerre civile et de la révolution.
    Ce sont des réactions semblables, quoique plus organisées,
qui ont fait peser sur les villes dans les semaines suivant le soulèvement, la
menace de paseos. Le paseo se déroule presque toujours suivant le
même sinistre scénario : la victime, désignée par un comité de «
vigilance » ou de « défense » d’un parti ou d’un syndicat, est
arrêtée chez elle, la nuit, par des hommes armés, emmenée en voiture hors de l’agglomération,
abattue dans un coin isolé. Ainsi périssent, victimes de véritables règlements
de comptes politiques, les curés, les patrons, petits et grands, les hommes
politiques, bourgeois ou réactionnaires, tous ceux qui, à un moment ou un
autre, ont eu maille à partir avec une organisation ouvrière, juges, policiers,
gardiens de prison, indicateurs, tortionnaires, pistoleros, ou, plus
simplement, tous ceux qu’une réputation politique ou une situation sociale
désignent d’avance comme victimes. La « frontière de classe » n’est d’ailleurs
pas toujours une protection suffisante : c’est ainsi qu’à Barcelone sont
aussi abattus des militants ouvriers, le secrétaire des dockers de l’U.G.T., le
communiste Desiderio Trillas, dénoncé par la C.N.T. comme le « cacique des
docks », et le responsable de la section U.G.T. de l’usine Hispano-Suiza.
    Une telle atmosphère est, bien entendu, propice aux
vengeances personnelles comme aux actes de banditisme pur et simple, au pillage
et à l’assassinat crapuleux. C’est probablement à cause de leur multiplication
que les partis et syndicats, après avoir tous organisé des paseos ,réagiront
contre leur pratique et commenceront à « organiser » la répression.
La tradition

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