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La Révolution et la Guerre d’Espagne

La Révolution et la Guerre d’Espagne

Titel: La Révolution et la Guerre d’Espagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Broué , Emile Témime
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un
bureaucrate méthodique. C’est un homme capable de mener tout et tous à la
ruine. Et pourtant, aujourd’hui, c’est le seul homme, ou du moins le seul nom
utile pour mettre à la tête d’un nouveau gouvernement. » Précisant qu’il est
prêt a entrer dans un tel cabinet, à y travailler sous la direction de
Caballero, il affirme: « Il n’y a pas d’autre issue pour le pays. Il n’y
en a pas non plus pour moi si je veux être utile au pays » [163] . Toujours lucide
et pessimiste, il déclarera, quelques jours plus tard, à Alvarez del Vayo, qu’un
gouvernement Largo Caballero serait, pour le régime, la « dernière carte » [164] .
    Prieto et ses amis ne sont pas les seuls à se faire dans le
camp ouvrier, les champions du modérantisme et de la fidélité au régime
républicain. Le parti communiste espagnol et sa filiale, le P.S.U.C. – plus
libres de leurs mouvements, car ils n’ont pas à compter, comme le parti
socialiste, avec une opposition intérieure – ont souvent pris même avant eux,
des positions plus nettes encore [165] .
Après le 19 juillet, la majorité de leurs militants ont suivi le courant
révolutionnaire, participant et soutenant l’action des Comités-gouvernement.
Leurs directions, par contre, ont soutenu toutes les tentatives républicaines
pour préserver l’État. A Valence, le parti communiste a désapprouvé le Comité
exécutif populaire dans son opposition à la Junte déléguée de Martinez Barrio.
A Barcelone, c’est Comorera, leader du P.S.U.C. qui a essayé de pousser
Companys à résister à la C.N.T., puis il a participé au gouvernement Casanovas,
constitué pour éliminer le Comité central, au début d’août. La direction du
P.C. ne fait pas mystère d’ailleurs de cette politique. Elle a approuvé la
tentative de reconstitution de l’armée par Giral, publié un mémorandum à ce
sujet.
    La presse communiste internationale n’a pas toujours compris
du premier coup cette politique. Le Daily Warker du 22 affirme que l’on
« s’achemine vers la République soviétique espagnole », par le triomphe de
la « milice rouge ». Cependant, très vite, le tir est rectifié. Le 3
août, l’Humanité, à la demande du P.C. espagnol, précise que le peuple
espagnol ne lutte pas pour l’établissement d’une dictature du prolétariat », et
qu’il « ne connaît qu’un but : la défense de l’ordre républicain,
dans le respect de la propriété ».
    Le 8 août, Jesus Hernandez déclare : « Nous ne
pouvons parler aujourd’hui de révolution prolétarienne en Espagne, parce que
les conditions historiques ne le permettent pas... Nous voulons défendre l’industrie
modeste qui est dans la gêne, au même titre et peut-être plus que l’ouvrier
lui-même. » Les buts du parti communiste sont clairement fixés par son
secrétaire général José Diaz : « Nous ne désirons lutter que pour une
république démocratique avec un contenu social étendu. Il ne peut être question
actuellement de dictature du prolétariat, ni de socialisme, mais seulement de
la lutte de la démocratie contre le fascisme » [166] .
    Cette attitude, ferme, est pourtant loin d’être, encore,
déterminante. Ni le P.C., ni le P.S.U.C. ne sont, en ces mois d’été, capables
de peser vraiment sur le cours des événements.
Les socialistes de gauche à la croisée des chemins
    Largo Caballero et ses amis ont, sur le problème du pouvoir,
les idées moins claires que Prieto et le parti communiste : le programme
du groupe socialiste de Madrid, adopté au mois d’avril sous l’influence d’Araquistain,
affirme en effet, nous l’avons vu, que l’instauration du socialisme en Espagne
ne peut se faire que par la « dictature du prolétariat ». Mais ils sont
hostiles à la création de soviets [167] ,
forme d’organisation spécifiquement russe à leurs yeux, et n’expliquent pas
plus en juillet ou en août qu’en avril ou en mai comment ils espèrent réaliser
la « dictature du prolétariat » par l’intermédiaire d’un parti
socialiste dont l’appareil est toujours solidement tenu par Prieto.
    La scission formelle a été évitée : elle n’en est pas
moins réelle ; par l’U.G.T. et par Claridad ,Largo Caballero
mène sa propre politique, différente de celle du parti socialiste. Claridad critique
rigoureusement les décrets de mobilisation de Giral, leur oppose les thèses de
Lénine sur le « peuple en armes », dénonce ceux qui veulent

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